La première édition de ce livre est datée de 2018. La deuxième sort cinq ans plus tard. Ce qui a changé pendant ce temps ? C’est peut-être justement ce que dit le premier chapitre et les suivants : « Les fins heureuses sont des armes ». Elles sont un moyen pour mettre l’imagination au pouvoir, pour donner une perspective. Il ne s’agit pas d’écrire « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », mais de donner aux personnages la possibilité d’être heureux. Dans sa démonstration, sur un ton qui donne envie de la suivre jusqu’au bout (et même au-delà, dans la post-face), Coline Pierré considère que le refus des fins heureuses est une façon de faire en sorte que l’ordre social, économique, politique perdure, maintienne et accentue les aliénations et les inégalités. L’exemple qu’elle cite du film La La Land est assez clair : elle y voit « un hymne à la résignation », les personnages préfèrent leur confort social à l’idée de vivre un grand amour ; c’est « raisonnable » et le raisonnable est bien souvent une soumission. Les fins heureuses sont aussi une façon de changer de modèles, choisir la tendresse plutôt que la violence : une façon d’affirmer qu’« un autre monde est possible ». Et que ça commence par la fiction, dans « une perspective féministe et intersectionnelle ». Les exemples fourmillent dans ce livre : livres, films, séries. Il s’agit, dit la conclusion, de « faire trembler le monde ».