En l'occurrence, le fondateur et directeur général de la maison-mère de Facebook fait allusion à des études internes qui révèleraient que les employés ayant rejoint les effectifs en personne seraient plus performants que ceux, nombreux depuis la crise sanitaire, qui ont pris leurs fonctions à distance. En conséquence, en attendant une analyse approfondie du phénomène, il recommande à tous de privilégier les activités présentielles et laisse supposer que les seconds figureront en tête de liste des charrettes.
La réaction évoque instantanément l'adage « qui veut tuer son chien l'accuse de la rage ». Ainsi, elle s'appuie sur une simple hypothèse, non vérifiée à ce stade, selon laquelle il serait plus difficile d'établir une relation de confiance à travers des écrans que par des interactions face à face, ce qui nuirait directement à la productivité collective. Celle-ci est peut-être exacte, mais il en existe également une multitude d'autres, tout aussi vraisemblables, qui pourraient conduire à des conclusions radicalement différentes.
Quelques-unes de ces possibilités parmi les plus évidentes : l'inadéquation des programmes d'embauche (probablement généralisés à la va-vite dans les premiers temps de la pandémie) conduisant à une dégradation des critères de sélection, la réticence des responsables à encadrer des individus en télétravail (qui se retrouve dans toutes les organisations) affectant la qualité de leur accompagnement… et de leurs évaluations, l'absence de causalité entre les deux conditions apparemment corrélées…
Dans ces scénarios, la priorité consisterait à réviser les principaux processus des ressources humaines, qui n'ont probablement pas été sérieusement alignés sur les profonds changements de ces dernières années. Or les initiatives parallèles sur l'aplatissement de la hiérarchie (exposées dans le même texte) offriraient une excellente opportunité d'engager un tel chantier. Cependant, ce n'est pas l'objectif de Mark Zuckerberg, qui reflète plutôt de la sorte son aversion de principe au télétravail.
Le fait est d'autant plus amusant qu'il est relativement incohérent avec la stratégie qu'il défend envers et contre tous de transition des activités de son bébé vers le métavers… en commençant par ses déclinaisons dans l'univers professionnel. N'a-t-il pas vanté à outrance la valeur de ces technologies pour simuler la réalité à un niveau suffisant pour qu'elles s'y substituent ? Aurait-il donc changé d'avis et devra-t-il réviser ses plans initiaux ? Ou veut-il vendre à d'autres entreprises ce qui ne convient pas à la sienne ?
N'allez pas croire que Meta constitue un cas isolé : de nombreuses structures retiennent de la même façon des justifications biaisées afin de dénigrer le télétravail… et se priver ainsi des compétences de candidats attachés à ses avantages (et qui trouvent aisément des employeurs accommodants). Il serait plus sage d'aborder le sujet avec objectivité et rationalité, et, surtout, d'admettre que les modalités de travail héritées des siècles passés doivent être remises à plat pour le monde « digitalisé » du XXIème siècle.