Par Emmanuel Sala.
Présenter trois femmes d’exception à travers trois films est une occasion rare. C’est ce que l’on va s’essayer de faire en citant :
- Hannah Arendt, film éponyme sorti récemment et deux films sortis en 2011
- Atlas Shrugged, film américain d’après le roman de Ayn Rand
- La Dame de fer, biopic consacré à Margaret Thatcher
Hannah Arendt
Hannah Arendt fuit l’Allemagne nazie à 27 ans pour la France où elle est internée en 1940. Elle s’en évade pour s’installer aux États-Unis où elle deviendra une des plus grandes philosophes politiques du moment, enseignant dans les meilleures universités. Son reportage en 1961 pour le New Yorker sur le procès d’Eichman en Israël est l’occasion pour elle d’illustrer son concept de « banalité du mal » : des hommes ordinaires deviennent acteurs de systèmes totalitaires par absence d’idéologie. Privés de pensée, ils deviennent prisonniers de schémas qui interdisent la réflexion, voire l’analyse critique. Chacun est piégé par ses dogmes. Bien sûr, toute ressemblance avec des personnages actuels… ne serait pas fortuite.
L’origine de la pensée d’Arendt doit beaucoup à celle du philosophe Martin Heidegger, dont elle fut l’étudiante, la maîtresse, et après guerre, le témoin à décharge dans le procès de Heidegger qui avait publiquement défendu l’idéologie nazie. Ce soutien qu’on lui a évidemment reproché ne doit pas cacher la rupture philosophique de l’élève avec son maître, qu’elle décrit dans the Life of the Mind : le refus de résistance à la domination est d’abord un refus de la volonté.
La pensée de Hannah Arendt est donc au premier chef, une valorisation de la liberté responsable, notamment par l’action politique.
Ayn Rand
Ayn Rand quant à elle, fuit l’arrivée au pouvoir des bolchéviques en Russie, en Ukraine puis en Crimée pour finalement s’installer aux États-Unis où elle devint scénariste, romancière et philosophe universellement connue sauf… en France ! Deux romans ont eu des succès planétaires et ont été adaptés au cinéma : The Fountainhead (1943) (la source vive), et Atlas Shrugged (1957), traduit 50 ans plus tard sous le titre La Grève.
La vertu d’égoïsme décrite par Ayn Rand est une éthique rationnelle du savoir et de la raison. Sa philosophie inspirée par Nietzsche est fondée sur « le concept de l’homme en tant qu’être héroïque, ayant son propre bonheur pour éthique de vie, son accomplissement productif pour occupation la plus noble, et la raison pour unique absolu. »
Ayn Rand a dénommé sa philosophie « objectivisme », parce que celle-ci est basée sur la prémisse que la réalité est un objectif de perception absolu pour chacun d’entre nous.
Un puissant antidote a l’idéologie judéo chrétienne du partage et sa version moderne dite de « justice sociale« !
Margaret Thatcher
Margaret Thatcher est elle mieux connue pour être, selon la doxa de la pensée unique, l’ultralibérale haïe par son peuple, aux méthodes brutales et autoritaires. Renaud lui consacre une chanson ou il la traite de « conne ».
C’est oublier également qu’elle a bénéficié d’un soutien sans faille des Britanniques qui l’ont réélue trois fois de suite et qui a gouverné pendant plus de onze ans.
Margaret Thatcher accorde une grande importance aux valeurs victoriennes du travail, de l’ordre, de l’effort et de self-help, qu’elle reçut dans son éducation, dénotant un lien puissant avec L’éthique protestante méthodiste et l’esprit du capitalisme de Weber.
De façon générale, le thatchérisme puisera son inspiration politique et économique dans les théories de l’école monétariste de Chicago, incarnée par Milton Friedman, de l’école de l’offre d’Arthur Laffer et de l’école autrichienne, connue à travers Friedrich Hayek.
A noter l’influence des think tanks, en particulier le Centre for Policy Studies, think tank libéral fondé en 1974 par Keith Joseph.
Trois femmes d’exception qui, de façons très différentes, et chacune à sa manière, marqueront durablement la vie politique et philosophique, et méritent d’être ainsi davantage connues à travers le cinéma.