Voilà un exemple typique d'initiative bancaire génératrice de frustrations en dépit de ses bonnes intentions : parce que la fraude autour des cryptomonnaies croît exponentiellement, la britannique NatWest annonce qu'elle instaure unilatéralement des plafonds sur les transferts de ses clients vers les plates-formes de change spécialisées.
Bien sûr, il n'est pas question de nier le problème identifié ni de réfuter la pertinence pour une institution financière de chercher à protéger les consommateurs. Pour le seul Royaume-Uni, les arnaques aux monnaies virtuelles auraient coûté plus de 300 millions de livres à la population l'an dernier, en progression entre autres en raison de l'augmentation du coût de la vie qui suscite des comportements quasi désespérés, les hommes de plus de 35 ans étant les plus exposés parce que moins sensibles au risque.
En revanche la méthode retenue en guise de réponse aux menaces mérite largement la critique. Le principe est résolument basique : les mouvements vers les services d'achat de cryptomonnaies (considérant que les escroqueries sont très souvent exécutées à travers les sites légitimes, donc connus) sont limités – assez arbitrairement – à 1 000 livres par jour et 5 000 livres sur 30 jours glissants. Soit de quoi à la fois irriter les adeptes du bitcoin et consorts et laisser quand même sur la paille les victimes les plus fragiles…
L'absence de tout discernement dans une mesure de précaution aux enjeux aussi importants est tout simplement catastrophique. Les techniques modernes d'analyse de données, saupoudrées d'un minimum de bon sens, permettraient pourtant certainement de proposer une approche personnalisée beaucoup plus satisfaisante pour tous les utilisateurs. À commencer, par exemple, par la prise en compte des habitudes récentes de l'intéressé, afin de déterminer s'il est familier des transactions en cryptomonnaies.
On peut évidemment soupçonner NatWest, peut-être pas de mauvaise foi, mais à tout le moins d'une certaine désinvolture vis-à-vis de ces instruments qui sortent de son champ de compétence et lui font plus ou moins concurrence. Après tout, que lui importent les personnes qui investissent dans ce domaine… si ce n'est pour se donner bonne conscience et flatter son image sur la place. Hélas, les mêmes travers existent dans tous les compartiments des activités financières, avec les mêmes conséquences.
Ainsi, le mois dernier, à l'occasion de la Saint Valentin, toutes les banques alertaient leurs visiteurs sur les dangers des fausses romances en ligne (sans toutefois imposer de bloquage particulier sur les virements, qui aurait peut-être eu une portée excessive…). Et c'est tout ! Ne serait-il donc pas envisageable de détecter les signes avant-coureur d'une fraude ? Et même si les prédictions ne sont pas fiables à 100%, ne mériteraient-elles pas un petit avertissement préalable, avant de perdre une somme aussi faible soit-elle ?
Les grands groupes de la finance se piquent d'apprentissage automatique et d'intelligence artificielle, et vantent notamment leurs qualités dans la lutte contre la fraude (c'est-à-dire celle qui les impacte)… Pourquoi ne les déclinent-ils pas aussi sur l'accompagnement des consommateurs dans leur propre défense contre les malversations qui les affectent eux seuls ? Parce que de telles applications sont impossibles… ou bien, plus tristement, parce que leurs clients ne figurent toujours pas au centre de leurs préoccupations ?