Critique de Oublie-moi, d’après Matthew Seager, vu le 21 février 2023 au Théâtre du Petit Saint-Martin
De et mis en scène par Marie-Julie Baup et Thierry Lopez
Oublie-moi, c’est un peu mon acte manqué de cet été à Avignon. J’avais évidemment mis le spectacle dans ma sélection, Marie-Julie Baup oblige, mais ma place n’a pas été correctement réservée et le spectacle affichant complet (et mon planning aussi), je n’ai pas réussi à le voir à ce moment-là. Mais j’étais quasi-sûre que le spectacle viendrait à Paris. Plus qu’à prendre mon mal en patience… Et voilà. 7 mois après, c’est bon. Enfin !
Oublie-moi, c’est une histoire d’amour. La première chose à laquelle j’ai pensé en découvrant le titre et en comprenant le sujet, c’est à ce film avec Ryan Gosling, N’oublie jamais. Deux oeuvres qui parlent d’Alzheimer, deux manières différentes d’utiliser le verbe oublier. Oublie-moi, c’est l’histoire de Jeanne et d’Arthur, depuis leur rencontre jusqu’à leur séparation. Ils étaient pourtant follement amoureux et leur chemin semblait tout tracé. Mais la vie en a décidé autrement.
J’ai été conquise dès la première scène. Avec moi c’est simple, il suffit que les comédiens se mettent à danser sur scène pour que je sois comblée – je suis une spectatrice facile en fin de compte ! Sachant que la rencontre entre nos deux personnages se passe en boîte de nuit, autant vous dire que j’étais aux anges. D’autant que Thierry Lopez est un danseur absolument délicieux, sensuel et drôle à la fois. Cette entrée en matière est très réussie, c’est un moment vraiment plein, beau et léger à la fois. Un début de relation magique et niais, décalé, facétieux, plein d’humour et d’amour. On s’attache immédiatement aux personnages et à l’histoire qu’ils vont construire à deux.
La grande force de ce spectacle, c’est sans doute la sincérité qui émane du plateau. Ils pourraient chercher à tirer les larmes, et jouer le drame de manière bien plus grandiloquente : ils n’en font rien. Au contraire, la détresse retenue de Marie-Julie Baup est bien plus déchirante que tous les pleurs qu’elle aurait pu jouer. Son naturel est bouleversant. Leur complicité au plateau est palpable et permet de faire passer des émotions bien au-delà de ce que les mots seuls peuvent exprimer. La composition de Thierry Lopez touche au coeur, et ces yeux ahuris, vides, qui cherchent une réponse qui ne vient pas, deviennent presque douloureux pour le spectateur. On vit cette histoire avec eux. Près d’eux. Et les émotions en sortent décuplés.
Un vrai beau moment de théâtre.
© Frédérique Toulet