Critique des Parents Terribles, de Jean Cocteau, vus le 3 mars 2023 au Théâtre Hébertot
Avec Muriel Mayette-Holtz, Charles Berling, Maria de Medeiros, Émile Berling, Lola Créton, mis en scène par Christophe Perton
Ça doit faire deux ans que j’attendais ce spectacle ! Tout semblait réunit pour me plaire. La distribution était plus qu’alléchante – retrouver Charles Berling et Muriel Mayette m’enchantait autant que découvrir Maria de Medeiros sur scène – la dernière mise en scène de Christophe Perton m’avait énormément plu, et la perspective de découvrir Cocteau au théâtre m’intéressait beaucoup. Bref, j’étais un public quasiment acquis. Tout est dans le quasiment.
Des parents terribles… terriblement frappés, oui. La pièce tourne autour d’Yvonne (Muriel Mayette), qui voue un véritable culte à son fils Michel, à la limite de l’indécence. Il n’est pas rentré de la nuit et elle s’imagine tout sauf l’évidence : il est probablement avec une autre femme. Cela lui semble inenvisageable. C’est pourtant ce que pensent aussi les deux autres habitants de la maison : Georges (Charles Berling), son mari qu’elle délaisse et qui a pris pour amante qui s’avèrera être celle chez qui son fils a découché, et Léo (Maria de Medeiros), sa soeur, toujours amoureuse de Georges et qui va progressivement se transformer en chef d’orchestre pour dénouer cet imbroglio.
J’ai pris peur lors des premiers échanges. La scène sonne faux, les comédiens ne jouent pas ensemble, le texte peine à se faire entendre. Mince. Ça ne dure pas très longtemps et le spectacle se met finalement en place, mais quelque chose reste malgré tout de ce début boiteux. C’est impalpable, mais c’est là. C’est toujours étonnant de se retrouver face à ce genre de spectacle. Tout est pourtant très bien en apparence : les comédiens sont bons, les dialogues fusent, le rythme s’installe bien, et pourtant. Un « et pourtant » que je commence à bien connaître. Un « et pourtant » qui ne nécessite pas de creuser bien loin. Un « et pourtant » qui trouve son origine dans les difficultés rencontrées avec un matériau fondamental, probablement même le matériau de base, sans lequel rien ne peut être construit : le texte.
Moi qui avais hâte de découvrir l’écriture théâtrale de Cocteau, me voilà bien déçue. Ça m’évoque Giraudoux : c’est lourd, il y a trop de mots, tout est explicité, dit, redit, trop dit. C’est une écriture chargée de dialogues mais trop vide d’intérêt et légèrement artificielle. La situation met du temps à s’installer et même une fois le mécanisme posé, c’est comme si l’action était figée, qu’elle n’avançait pas réellement. Alors on se raccroche à autre chose.
La chance du spectateur, c’est qu’il y a une merveilleuse branche à laquelle se raccrocher et qui s’appelle Muriel Mayette-Holtz. On l’a peut-être trop côtoyée en tant que metteuse en scène, jusqu’à presqu’oublier la formidable comédienne qu’elle était. C’est un rôle taillé pour elle, indéniablement – et c’est aussi le plus intéressant de la pièce. Elle est faite pour ce genre de personnage délirant de femme quasi-incestueuse, de drama queen à la fois complètement théâtrale et débordante de naturelle. Sur scène, c’est une lionne qui porte une grande fragilité. Une femme-enfant impétueuse et délicate. Elle est fascinante. Et, il n’y a pas à dire, elle sauve le spectacle.
Partagée entre la déception du texte et l’enthousiasme de la performance.