La Chambre des merveilles, ce fut d’abord un livre, écrit en 2018, par Julien Sandrel, et qui se vendit à plus d’un million d’exemplaires dans 30 pays du monde ; ce fut ensuite une pièce, créée l’année dernière au festival d’Avignon et qui est reprise depuis janvier, à Paris au théâtre des Variétés, devant des salles combles.
C’est depuis hier dans les salles un film signé Lisa Azuelos, qui devrait logiquement cartonner lui aussi.
Une fable joyeuse et grave de Lisa Azuelos montre les péripéties d’une mère qui s’attelle à accomplir les rêves de son fils plongé dans le coma. Alexandra Lamy, charismatique en diable, porte tout le film sur ses épaules.
Lors de sa venue à Lyon il y a quelques semaines, où elle accompagnait la réalisatrice pour la promotion de ce film, on en a profité pour échanger avec elle, ce fut notre première rencontre avec une actrice terriblement sympathique on espère que ca ne sera pas la dernière..
C’est votre première collaboration avec Lisa Azuelos alors que vous vous connaissez très bien et depuis longtemps..
Alexandra Lamy : Ah, Lisa, c’est ma pépette ! Une des premières fois où l’on s’est rencontré, c’était au Maroc pendant qu’elle tournait « Dalida ».
Je me souviens d’un après-midi formidable avec Simon Abkarian où ça a immédiatement collé entre nous.
Lisa c’est une femme brillante, charmante, d’une humanité rare, avec ses souffrances, ce qui la rend extrêmement touchante.
Après le Maroc, nous nous sommes retrouvées à Los Angeles dans des conditions assez spéciales. Je présentais avec Eric Lavaine un de nos films au festival de Colcoa. Lisa le connait très bien, elle apprend que je viens et elle m’appelle en me disant : « toi tu y es 3 jours du tant au tant, moi 3 jours dans la foulée : et si on partageait nos chambres, ça nous fera 6 jours ensemble sur place ? ».
Sans nous connaitre plus que cela, on a dit « ok » et nous voilà toutes les deux pendant presque une semaine à L.A ! Et ce n’était pas fini : après Los Angeles, nous sommes parties plusieurs jours dans le désert californien. Ensuite, on n’a plus cessé de se voir : à Paris, à New York, etc. On ne s’appelle pas tout le temps mais je sais que si un jour j’ai besoin de Lisa elle sera au rendez-vous et vice-versa.
Il fallait juste le bon projet pour vous réunir sur un plateau. ce qui est le cas avec cette adaptation de la chambre des merveilles?
Alexandra Lamy.. Exactement. Quand elle m’a appelée, j’étais très heureuse et d’ailleurs je lui ai dit oui sans même lire le scénario. Je savais quoiqu’il arrive qu’elle allait de nouveau se consacrer à un portrait de femme : c’est le cœur de son cinéma depuis le début. Elle a le talent de mettre sa féminité au service d’histoires qui touchent tout le monde, y compris les hommes. Personne ne se sent exclu en regardant ses films car elle humanise tout.
Et puis sur un plateau, tout en vous offrant une totale liberté, elle sait exactement ce qu’elle veut ! Je peux vous dire que Lisa vous regarde et vous scanne en permanence. Vous avez l’impression de faire ce que vous voulez mais c’est bien elle qui dirige ! J’ajoute qu’en technique, elle maîtrise parfaitement son sujet : son film est beau, élégant... Bref, c’est une vraie patronne
Vous avez parlé beaucoup de votre role en amont du tournage avec Lisa ?
Alexandra Lamy
Ce qui est formidable avec Lisa, c’est qu’elle vous donne une grande liberté. Nous avons beaucoup parlé ensemble de plein de sujets pour donner corps à cette histoire.
C’était nécessaire car le film navigue sur un fil très ténu et nous avions constamment peur de donner l’impression que cette mère, qui part autour du monde exaucer les vœux de son fils hospitalisé, n’apparaisse comme fuyant ses responsabilités et son malheur, en profitant de ces voyages autour du monde pour se changer les idées. Nous avons été très vigilantes à cela, à la fois dans dans l’écriture et dans le jeu. Il fallait que l’on sente que tout ce qu’elle fait, c’est pour Louis, même si au final Thelma va revenir transformée de ce périple. Notion essentielle qui est aussi au cœur du roman de Julien Sandrel.
Le public vous connaît et vous aime dans le registre de la comédie, mais ce film rappelle que vous vous êtes également illustrée dans des films plus graves comme « Ricky », « De toutes nos forces » ou « Le poulain »...
Alexandra Lamy
Oui, c’est vrai que j’en ai fait quelques-uns, mais vous savez, le registre qui me fait presque le plus peur, c’est celui de la comédie ! C’est tellement difficile : j’ai à chaque fois l’impression de me remettre en jeu. Revenir au drame, surtout avec cette histoire-là, me permettait d’aborder des sujets qui me touchent d’une manière viscérale.
Comme celui d’être une mère vous-même ?
Alexandra Lamy
Absolument : à partir du moment où vous avez des enfants, vous découvrez la peur et vous l’aurez à vie ! Vous vous découvrez également plus sensible qu’avant avec cette faculté d’avoir très facilement la larme à l’œil.
Quand on me demande de quelle manière je me suis préparée pour le rôle de Thelma dans « La chambre des merveilles », je réponds qu’il m’a suffi de voir le petit Hugo couché dans son lit d’hôpital pour les scènes où Louis est dans le coma...
J’étais prête ! Pas besoin d’aller chercher des choses intimes : tout ce dont j’avais besoin était déjà en moi. Et je suis certaine que tous les parents réagissent comme cela.
Vous avez lu le livre de Julien Sandrel pour vous appropriez au mieux le role et l'histoire ?
Alexandra Lamy
Je l’ai fait une fois reçu le scénario. Quand je tourne un film adapté d’un livre, je veux toujours le lire ou rencontrer les vrais protagonistes s’ils existent, (c’était le cas pour « Chamboultout » par exemple), car ça me permet de m’imprégner de l’histoire.
Là, je voulais également comprendre pourquoi le roman de Julien avait connu un tel succès dans le monde. Et puis le film est une adaptation du livre donc, tout en gardant l’émotion du récit, c’était l’occasion de voir comment s’en éloigner un peu sans perdre l’essentiel. Ce qui m’intéressait notamment, c’est la manière dont les scènes à l’hôpital étaient traitées dans le roman car elles sont très importantes dans le film...
Avec cette notion de communauté, presque de famille, qui se crée entre parents de malades et avec le personnel...
Nous y tenions beaucoup car c’est en effet la réalité et quand malheureusement vous fréquentez l’hôpital sur une longue durée, vous le vivez. D’ailleurs, lors de la présentation de «La chambre des merveilles » en province, nous avons eu de nombreux témoignages du personnel médical nous disant combien c’est aspect du film était juste. En 2012, j’ai réalisé un documentaire intitulé « Une vie de malade » pour « Envoyé spécial » et j’avais plusieurs fois cru m’écrouler en rentrant dans ces chambres stériles d’enfants malades. Je ne croyais pas pouvoir tenir ma caméra face à ce que je filmais.
Et en fait, quand vous arrivez, les infirmières vous disent « ah non : ici y a que de la vie, la mort elle s’en va » ! Et c’est vrai que vous voyez les gamins en train de jouer avec leurs tuyaux de chimio, vous croisez des clowns, des infirmières qui chantent au milieu d’événements très lourds, d’enfants qui ne résistent pas à la maladie. Je crois que c’est vital : ces moments sont nécessaires pour supporter le reste, notamment les cas de rechute, quand ces enfants qu’on croyait sauvés reviennent...
J’ai donc voulu avec Lisa rajouter cet aspect-là dans l’histoire, ce côté vivant et familial car bien entendu que des liens se nouent à force de se voir tout le temps !
Lequel des rêves de Louis vous touche le plus ?
La quête du père évidemment mais aussi le voyage au Japon... Pour les enfants, c’est un rêve fou d’aller là-bas ! Quand Thelma s’y retrouve, seule, paumée dans cette ville immense, c’est un moment très intense du film.
Elle ne connait personne, ne parle pas la langue et assez mal l’anglais et pourtant elle va se démener pour trouver l’auteur du manga préféré de son fils, quelqu’un que personne ne voit jamais ! Elle ne lâche rien et ce moment amène une vraie force au film.
Je suis très heureuse que nous ayons pu garder ce passage car malheureusement nous avons failli ne pas pouvoir y aller à cause de la pandémie.
C’est un pays que vous connaissiez avant de tourner la bas ?
Pas du tout ! J’ai découvert un endroit qui ne peut pas être plus à l’opposé de la France. Les codes, les mœurs, les attitudes : tout est différent. Par exemple, un soir je tourne avec le comédien japonais qui joue l’agent de l’auteur du manga. On se retrouve de nuit à Tokyo, je pose mes affaires sur un banc et je me rends compte que j’ai laissé mon sac à main ouvert. Ça ne l’a pas inquiété une seconde ! Personne n’aurait eu l’idée de me voler quoique ce soit ! Tout est comme cela, surprenant, déroutant et fascinant...
Tokyo est une énorme ville mais on n’y klaxonne pas, personne ne crie ou ne s’insulte, tout le monde est poli. Avec Lisa, nous nous sommes d’ailleurs demandées ce que ce voyage pouvait apporter à Thelma, en dehors de la signature sur le skate-board de son fils. Il ne fallait pas qu’aller au Japon soit juste un prétexte pour faire de belles images. Je crois que Thelma y découvre le calme. Ce n’est pas en courant, en s’énervant qu’elle va réussir à exhausser ce vœu. Elle apprend que les choses viennent à vous quand c’est le moment.
Un dernier mot si vous le voulez bien sur Muriel Robin qui joue votre mère dans le film, et qui est je crois une autre belle rencontre sur ce film.
.. Quelle grande actrice ! Quand Lisa m’a appelée en me disant « eh dis donc : pour ta mère, j’ai eu une idée... Qu’est-ce que tu penses de Muriel Robin ? », j’ai répondu « mais quel bonheur, quelle chance et quel rêve » ! Pour tout vous dire, dans la famille, on est au-delà de fan : on connait tous ses sketches par cœur ! D’ailleurs quand on s’est rencontrées, je lui ai dit : « ça va être hyper lourd ce que je peux te faire... »
J’ai vu tout ce que Muriel a fait : ses spectacles, ses séries comme «Jacqueline Sauvage », ses films... j’adore ! Je suis très admirative de sa capacité à manier le rythme très contraignant de la comédie. Les ruptures, les respirations, le débit de mitraillette : c’est la plus forte ! En tournant avec Muriel, j’ai découvert une partenaire très en demande de ces petites choses en plus qui servent le film. Le souci, c’est qu’elle est très rieuse. Elle part vite et moi aussi.
J’avais connu cela déjà avec Josiane Balasko sur « Retour chez ma mère » : ce sont des génies du rebond. Tu as presque envie de t’asseoir et d’admirer.
Et puis d’un coup, en un regard, elle peut devenir sombre, comme ces grands clowns qui laissent soudain apparaître leur noirceur ou leur gravité. Bourvil avait cela aussi...