Depuis l'apparition du phénomène de la FinTech, l'industrie de la finance traditionnelle minimise la concurrence que représentent, en particulier, les néo-banques, sous prétexte que leur catalogue ne couvre que des besoins limités et qu'elles ne seraient jamais rentables. L'actualité récente montre que ce dernier argument est en passe de disparaître.
Ce sont deux entreprises très différentes qui ont successivement annoncé, pour l'une, la réalisation d'un premier bénéfice trimestriel et, pour l'autre, l'atteinte du seuil de profitabilité sur un exercice complet : toutes deux détentrices d'une licence bancaire dans l'Union Européenne, Bunq, d'origine néerlandaise, poursuit discrètement son développement, tandis que Revolut, basée au Royaume-Uni, a choisi depuis quelque temps, à mon grand dam, de focaliser ses efforts sur un objectif de rentabilité.
Le plus surprenant est que ces exploits soient possibles avec des modèles économiques rudimentaires, à l'écart, notamment, des sources classiques de revenus fondées sur les différentiels de taux d'intérêt entre dépôts et crédits mais également de toute innovation radicale. Les détails fournis par Revolut sont à ce sujet très éclairants, puisque, les frais de change transfrontalier (dans son métier historique, auquel se sont greffées les cryptomonnaies) et de gestion de patrimoine génèrent plus de la moitié de ses marges, les commissions d'interchange près d'un quart et les abonnements 17%.
Ces résultats remettent directement en question quelques certitudes chez les observateurs extérieurs (moi compris, incidemment, pour la première). Tout d'abord, il s'avère donc que les sommes (pourtant minimes) perçues sur les paiements par carte produisent un chiffre d'affaires conséquent… surtout quand le nombre de clients est important (25 millions à ce jour) et que, en moyenne, chacun d'eux fait un usage régulier du service de la néo-banque (en simplifiant, qu'il en a fait son compte principal).
Et alors que les détracteurs de ces trublions persistent à penser que seule la gratuité de leurs offres leur permet d'attirer des adeptes (en ajoutant que celle-ci n'est évidemment pas viable sur le long terme), le deuxième constat que l'on peut dresser leur inflige un double démenti cinglant : d'une part, les volumes de commissions encaissées tendent à justifier l'approche et, d'autre part, la transition vers des options payantes fonctionne auprès d'une fraction non négligeable (quoique modeste) de leur population cible.
En parallèle, cette idée d'une gamme de solutions trop restreinte pour fidéliser durablement les consommateurs (ou les entreprises, d'ailleurs) commence aussi à être battue en brèche. Entre ceux qui se satisfont d'un compte simple assorti de ses moyens de paiement et ceux qui, dans tous les cas, recourent à des spécialistes pour leurs besoins sophistiqués, en passant par l'introduction de capacités additionnelles, parfois inexistantes dans les enseignes historiques (par exemple de BNPL, de crypto-trading…), soit en propre soit par l'intermédiaire de collaborations, la faiblesse s'estompe.
Les positions de Revolut et de Bunq sont certes encore fragiles. Mais le passage de leurs comptes dans le vert, même s'il ne dure que quelques mois (cette fois), prouve que la disruption du secteur est possible, techniquement et économiquement. Comme leurs utilisateurs ont déjà montré qu'ils appréciaient les nouveaux entrants qui se préoccupent véritablement de leurs attentes et savent leur délivrer une expérience optimale, tous les ingrédients sont réunis pour concrétiser la menace que bien peu prennent au sérieux…