Alors, forcément, je n’allais pas passer à côté de La femme de
Tchaïkovski tout en ignorant les critiques et les polémiques qui avaient agité le Festival de Cannes où il a été présenté.J’étais seulement prévenue de la durée de ce long métrage, presque deux heures trente, et je dois avouer avoir été inquiète dès les premières images tant l’angoisse diffuse était pesante (mais nécessaire).L’action se déroule en Russie, au XIX siècle, où une jeune femme, aisée et apprentie pianiste, épouse un célébrassiez compositeur. Mais l’amour qu’elle lui porte n’est pas réciproque et la jeune femme est violemment rejetée. Consumée par ses sentiments elle acceptera de tout endurer pour rester le plus près possible de lui.Il est difficile de s’identifier ou de se projeter dans cette femme qui se vend quasiment à un homme qui lui dit qu’elle lui fait peur.Chacun se perd à vouloir être plus fort que les conventions ou que son destin. Ce qui est atroce c’est que ce n’est pas une œuvre de fiction. Antonina Milioukova a réellement existé (comme Camille Claudel à qui on pense souvent au cours de la projection mais au moins celle-ci aura pu créer une œuvre). On est effrayé d’apprendre qu’elle passera plusieurs décennies dans un asile où elle mourra.En ne suivant pas l’ordre chronologique et en commençant par les funérailles de Piotr Tchaïkovski, le réalisateur installe le drame et prévient le spectateur qu’il ne doit pas fantasmer une fin heureuse ou le moindre compromis. La haine que provoque la jeune femme est sans appel.Le cinéaste a une vision toute personnelle de la situation et c’est ce qui, au-delà de la vérité historique (quoique reconstituée en s’inspirant des mémoires d’Antonina pour écrire le scénario) m’a fortement intéressée puisque je voulais davantage approcher son univers baroque, tourmenté, palpitant et souvent hallucinant.J’ai aimé le parti-pris consistant à très régulièrement « dominer la situation » en plaçant la caméra à l’horizontale bien au-dessus de la scène.J’ai aussi trouvé astucieux l’emploi de la mouche qui volette de temps en temps, comme un avertissement du désastre qui va se produire d’autant qu’à la première apparition on croit qu’il s’agit d’une erreur.A l’heure où on n’ose plus évoquer l’âme russe, j’ai apprécié de constater combien la langue française était parlé dans le milieu aristocratique. Les séances d’habillage sont intéressantes et nous apprennent beaucoup sur le mode de vie de cette époque.Avec Alyona Mikhailova, Odin Lund Biron, Filipp Avdeyev…
En salles depuis le 15 février 2023