Il y a quelques semaines j'ai acquis, pour une somme raisonnable, un exemplaire de l'édition de l'an XIII, soit dans le calendrier actuel 1804, du Songe de Poliphile. Il s'agit de la traduction libre de Jacques Guillaume Legrand, imprimée par Pierre Didot l'aîné (*) . Le traducteur-traître n'hésite pas d'une part à priver le lecteur des gravures et arrangements typographiques qui font l'originalité de l'ouvrage de Francesco Columna, mais encore il dénature le texte : ...pour me forcer à lire l'ouvrage entier dans l'original, dont le style est (également) diffus et embarassé, jd n'ai pas trouvé d'autre moyen que celui d'en essayer une nouvelle traduction libre, ou plutôt une imitation, car j'ai souvent retranché du texte, et quelque fois même je me suis permis d'ajouter et d'étendre ce qu'une idée originale m'inspirait.
Que diable, si l'on n'aime pas le style d'un auteur, non plus que le contenu de son ouvrage, pourquoi s'obliger à le transposer dans une autre langue en le défigurant ?
Ce qui a finalement attiré mon attention, c'est la mention figurant sur la page de garde : à mon cher A. t'Serstevens, en cordial souvenir. FernandFleuret. (**)
De même, l'ex-libris ici reproduit en illustration.
Dans la chaîne des amitiés artistiques, Albert t'Serstevens est à une distance 3 de moi, puisqu'il était notoirement d'amitié avec Pierre Mac Orlan, qui l'était d'Henri Landier, qui est lui des miens.
Quel usage Albert t'Serstevens fit-il de cette édition décadente ? Une annotation manuscrite sur la page de titre révèle une préoccupation : voir au sujet de cette traduction (?) ce qu'en dit Popelin dans l'introduction de l'édition Liseux, page ccxxv.
Je vais suivre la piste...
Notes
(*) Le libraire-bouquiniste signalait : Rarissime traduction du célèbre et spectaculaire roman à clés, ..., qui ne comporte pas d'illustrations. La première traduction date de 1546, reprise en 1554 et 1561. L'édition de 1600 par François Béroalde de Verville est augmentée d'un beau frontispice gravé et d'une introduction qui met en évidence le sens alchimique du chef-d'oeuvre de Francesco Columna ce que ne manque pas de relever Legrand dans les notes et observations placées en fin de notre volume. Il n'y eu que deux éditions françaises de l'hypnérotomachie au XIXème siècle, celle-ci et celle de Claudis Popelin, (***) chez (Isidore) Liseux en 1883 (aucune entre celle de 1600 et la notre). Les huit derniers vers du dernier feuillet manquant à notre exemplaire ont été restitué à la plume (avant que le volume ne soit relié).
(**) Fernand Fleuret, l'homme aux sept alias et plus, est repéré parmi les relations d'Albert t'Serstevens dans la biobibliographie que WikiPédia consacre à de dernier, alors que la réciproque n'est pas (encore) vraie. Guillaume Apollinaire lui dédia le poème Le Voyageur. Cet écrivain confidentiel et poète méconnu a tout de même quelques amateurs éclairés.
(***) Plus exactement Claudius Popelin, émailleur et poète, amant puis époux de la princesse Mathilde Létizia Bonaparte, et ami de Jules de Goncourt, d'Edmond de Goncourt, et de quelques autres...