C’était en 1997, durant la deuxième quinzaine de juillet, aux Arcs 1800, station des Alpes qui vibre depuis de longues années du travail de musiciens venant participer chaque été à une académie renommée. Mes connaissances en musique dite classique étaient à cette époque assez limitées – elles sont aujourd’hui… basiques – mais suffisamment développées toutefois pour que ma «truffe» de mélomane tout terrain fût capable de détecter une pépite, quand bien même celle-ci n’aurait pas appartenu à un genre suffisamment exploré de ma part, me permettant ainsi d’émettre une opinion que j’accepte de considérer comme valable aujourd’hui. Bien entendu, le vacancier randonneur que j’étais n’était pas arrivé là muni de ses instruments de musique, partant du constat implacable qu’à l’exception d’un harmonica avec lequel je jouais «L’hymne à la joie» à l’âge de cinq ans devant mes camarades de classe, il m’a toujours paru surréaliste d’imaginer que je puisse, un jour, produire un quelconque son avec n’importe lequel d’entre eux (je parle ici des instruments de musique et non de mes camarades, qu’un bon coup de pied dans les tibias pouvait assez aisément transformer néanmoins en cornemuse ou en clairon). Il en va chez moi de la musique comme du bricolage, c’est une langue étrangère que je ne parviens pas à parler correctement et dont la difficulté attendue selon moi est telle qu’il vaut mieux en laisser la pratique à tous ceux qui, par leur don et leur travail, sauront parvenir à un résultat qui me satisfait amplement et ne nécessite de ma part aucune autre intervention que celle d’une écoute attentive et d’une éventuelle communication à d’autres d’une passion pour mes disques de prédilection ou des musiciens que je révère.
Sept fois. Je suis revenu sept fois aux Arcs pour prendre un grand bol d’air et effectuer cette petite cure bienfaisante de musique. Sept années durant lesquels Xavier Gagnepain n’a jamais fait faux bond. A chaque fois, le plaisir de sa vibration s’est révélé dans toute son intensité, et ce d’autant que les répertoires choisis lors des concerts n’étaient pas toujours des plus faciles à appréhender. Il y a chez ce musicien un côté défricheur qui me fascine et j’apprécie tout particulièrement sa faculté à enchaîner naturellement le consensuel Mozart et un compositeur contemporain dont les œuvres n’iront pas forcément vous chatouiller dans le sens des poils de vos lobes.
Eh bien… oui ! Parce qu’au-delà d’une prise de son parfois approximative – talon d’Achille de trop d’enregistrements de musique classique – des filets de laquelle le piano de Jean-Michel Dayez ne sort pas toujours indemne, paraissant parfois un peu brouillé – ce disque constitue un vrai moment de bonheur musical et nous délivre un magnifique cocktail dont les ingrédients s’appellent intensité, intimité, lyrisme, romantisme, mais aussi pudeur et nostalgie. Le pari est gagné et l’on vibre comme si les deux musiciens étaient devant nous. Fauré disait : «La musique consiste à nous élever le plus haut possible au-dessus de ce qui est. Je porte en moi un certain désir des choses inexistantes». Ce disque constitue une réponse en parfaite harmonie avec l’ambition du compositeur qui aurait, soyons-en certains, approuvé pleinement une aussi belle lecture de son œuvre. Il aurait forcément salué le talent de Xavier Gagnepain à peindre avec autant d’expressivité toutes les couleurs de sa musique.
A vous de plonger maintenant !
Pour aller plus loin…
Une rapide biographie de Xavier Gagnepain
A la suite de ses succès dans des concours internationaux réputés tels Munich ou Sao Paulo, Xavier Gagnepain, disciple de Maurice Gendron, entreprend une double carrière de soliste et de chambriste. Il est invité par des orchestres renommés de la scène européenne, joue régulièrement avec la pianiste Hortense Cartier-Bresson et est le violoncelliste du quatuor Rosamonde. En 1996, Xavier Gagnepain fut le premier à interpréter en concert les 12 pièces sur le nom de Paul Sacher, sommet jusqu’alors inaccessible du répertoire contemporain pour violoncelle seul. Sa discographie comprend aussi bien des concertos que de la musique de chambre allant du duo au sextuor. Passionné depuis toujours par l’enseignement, il réserve une large part de son temps à la pédagogie. La réputation de sa classe de troisième cycle au CNR de Boulogne-Billancourt et de ses nombreuses masterclasses lui ont valu la commande d’un livre par la Cité de la Musique. L’ouvrage, paru sous le titre "Du musicien en général… au violoncelliste en particulier" connaît un vif succès.
Le disque : Fauré : L’Œuvre pour violoncelle et piano
Xavier Gagnepain, violoncelle ; Jean-Michel Dayez, piano.
Zig-Zag Territoires ZZT070602, distribution Harmonia Mundi
On peut l'acheter ICI, par exemple…
Un petit extrait pour vous allécher : «Après un rêve»…