Claire est interrogée par la police. Elle vient de signaler la disparition de son mari Thomas. Un mystère, personne ne sait où il est ni s’il est mort, depuis qu’on ne l’a plus revu, depuis … deux ans. Claire est bien sûr invitée à témoigner sur sa vie passée avec cet homme, ce père de famille, ce mari parfois mystérieux alors que la validation de sa disparition entraînera leur divorce. Il y a aussi les amies de fac de Claire, Joan l’américaine métisse indienne et militante sans papiers qui craint l'expulsion, et Hélène la confidente de Thomas, une actrice, une artiste qui vit aussi de ses charmes. Toutes trois vivent à présent à la Commune.
La Commune, comme une ZAD où l'on refait sa vie, - plus précisément comme la commune de Tolbiac, - sa vie sans Thomas, sans cet homme avec le fantôme duquel on survit. Préserver les enfants, se préserver, ne pas signaler la disparition pour ne pas casser l'espoir du retour. Aucune raison acceptable pour qu'il se soit enfui. Alors lui laisser le bénéfice du doute, de la liberté insouciante... Mais à présent Claire aurait besoin d'argent, ça lui servirait bien de vendre leur appartement....
Extrait :
"Le plus étonnant, c'est qu'au-delà bien sûr de la stupéfaction et du chagrin et de la torture quotidienne que représente ce deuil vivant, ce départ m'a aussi enlevé un poids. Vivre à travers les yeux de quelqu'un, qui exige, qui vous juge, qui vous désire, qui vous compare, qui vous ignore, ce regard tout le temps posé, c'est épuisant, c'est dur.(...) Quand tout à coup ce regard n'existe plus, bien sûr, c'est vertigineux, on a le sentiment d'entrer dans une paix inouïe."
Chaque chapitre donne successivement la voix à une des trois femmes, Claire, Joan et Hélène. Elles se livrent, les interrogatoires sont longs, tortueux, et en creux se dessine à peine le portrait de Thomas le disparu. Dès les premières pages, les premières délibérations de Claire, c'est un déferlement de paroles au rythme effréné qui nous happe, nous enveloppe dans le tourbillon de mystère, des détails çà et là qui dressent le portrait des relations qui les unissaient les uns aux autres, les secrets qui se terraient chez les uns mais pas les autres, les accrocs à la figure lisse du père, les craintes qui peu à peu se dévoilent, les fausses pistes et les révélations accablantes qui viendront des policiers.
Comme un thriller psychologique mené de main de virtuose, chaque ligne comme le souffle d'une restante qui parle d'un manquant, qui parle du passé, qui suppose le présent. Un livre sur le manque, l'absence et comment on le meuble, sur l'amitié, sur les prisons familiales et le désir de changer de vie. Magnifique roman ! Autrice qu'il me tarde de relire !