Vladimir Jurovski © Bayerische Staatsoper
Pour lire le premier post consacré à cette production: Prokofiev à l'opéra de Munich (1) — Pourquoi jouons-nous Guerre et Paix ? Un communiqué de presse de Serge DornyL’Opéra de Bavière a réuni une affiche internationale autour du metteur en scène Dmitri Tcherniakov et du chef d’orchestre Vladimir Jurowski. Il a mis en ligne un entretien de son directeur musical intitulé "Un final sans parole" mené par la docteure et journaliste Ruth Renée Reif que l'on peut lire en allemand * en ligne ou dans l'excellent programme qui accompagne la production. Dans cet entretien, Vladimir Jurowski aborde la question des choix musicaux et des coupures pratiquées en accord avec le metteur en scène.
Vladimir Jurowski et Dmitri Tcherniakov s'étaient rencontrés il y a quelques années pour une première discussion sur la création munichoise de l'œuvre. Ils avaient alors souhaité pouvoir le monter dans son intégralité. Mais la guerre contre l'Ukraine lancée le 24 février 2022 a changé la donne et le directeur musical et le metteur en scène, ce dernier très affecté par la situation, étaient tous deux sur le point d'annuler le projet. C'était surtout la seconde partie de l'opéra qui faisait problème, parce qu'elle est fortement marquée par l'idéologie soviétique et ses diktats, auxquels Prokofiev avait dû se soumettre : les vers du livret (dus à Mira, la femme du compositeur) en particulier dans les chœurs font entendre un patriotisme suraccentué à la gloire du stanilisme.
Le projet initial de présenter l'œuvre intégrale fut alors abandonné pour globalement en revenir à la première version composée par Prokofiev, celle qui avait été jouée en 1946 à Léningrad pour la première partie (Paix) puis en 1948 pour la deuxième partie (Guerre). Cette première version avait été interdite par les autorités soviétiques.
Et Vladimir Jurovski d'ajouter : " Nous avons alors décidé de créer une version qui se concentre sur les protagonistes Natacha Rostova, Andreï Bolkonski et Pierre Bezoukhov, et dans laquelle les événements guerriers ne constituent qu'une toile de fond. Dans la partie consacrée à la guerre, toutes les images ont été fortement réduites, l'une d'entre elles a même été complètement supprimée. Seule la scène intime de la mort d'Andreï n'a pas été modifiée. De cette manière, nous pouvons poser dans l'opéra les éternelles questions qui nous préoccupent encore aujourd'hui. "
Les coupures effectuées correspondent en gros à celles suggérées par la lettre adressée par Prokofiev aux futurs chefs d'orchestre et metteurs en scène après qu'il eut composé la deuxième version de son opéra, dans laquelle il expliquait quelles scènes de l'opéra pourraient être supprimées si on voulait les jouer en une seule soirée. Pour le final, il fut décidé de jouer la conclusion primitive de la première version, avec la seule particularité qu'il n'y a pas de chœur à la fin, mais un orchestre de scène (une banda). L'option d'un final sans paroles met l'accent sur les derniers mots chantés, ceux du monologue de Pierre, dans lequel il évoque la nécessité de comprendre ce qui s'est passé.
* Voici le lien pour lire l'entretien complet en allemand : https://www.staatsoper.de/inhalte-home/ ... e-extendedHaut
La production du Bayerische Staatsoper est actuellement disponible sur Arte Concert: https://www.arte.tv/fr/videos/113701-000-A/serguei-prokofiev-guerre-et-paix/