" Nous sommes en 1897. Chaque année la haute société parisienne se dispute l'honneur de participer au Bazar de la Charité ; c'est une oeuvre de bienfaisance où les gens les plus riches viennent manifester leur générosité pour les plus démunis. Le 3 mai 1897, il s'installe au 17 rue Jean-Goujon, près des Champs-Elysées. On tend un immense vélum sous lequel des décors de carton-pâte, de bois blanc et de toile peinte sont installés. Un peu plus loin, une petite salle abrite un cinématographe destiné surtout aux enfants et aux jeunes filles ; un projecteur 35 mm Normandin et Joly est placé derrière une toile goudronnée pour l'isoler du public. Les bouteilles d'oxygène et bidons d'éther nécessaires au fonctionnement de la lampe (car l'électricité est encore rare à cette époque) sont stockés à l'extérieur. La lampe se compose d'une sorte de carburateur oxyéthérique dans lequel un fin filet de vapeur d'éther enflammée se trouve projeté contre un manchon de terre rare ; c'est le contact de la flamme avec ce manchon qui génère la puissante lumière. Avant l'ouverture officielle de cette grande fête, Normandin inspecte les lieux et n'est pas satisfait de ce local de projection ; de plus, la lampe ne fonctionne pas comme il le souhaite, mais le fabricant, Molteni, n'est pas en mesure de lui en fournir une autre. Normandin interpelle l'organisateur de la fête, la baron de Mackau, qui semble agacé par ces problèmes techniques du cinématographe et les considère comme secondaires. Le mardi 4 mai 1897, jour de l'inauguration officielle de la fête, tout fonctionne parfaitement ; le cinématographe connaît un gros succès et ne désemplit pas. Il est environ quatre heures de l'après-midi, quand une violente explosion survient et déclenche un immense incendie. En quelques minutes, le Bazar de la Charité devient un vaste brasier dans lequel vont périr 129 personnes appartenant pour la plupart, à la noblesse de l'époque, dont la duchesse d'Alençon, soeur de l'impératrice d'Autriche. Les causes de cet incendie sont contreversées ; certains historiens l'attribuent à la maladresse de l'assistant qui, suite à l'extinction de la lampe, aurait approché imprudemment une allumette de la lampe, avant qu'elle ne fut refroidie, provoquant l'embrasement de la vapeur sous pression. D'autres affirment qu'il s'agit simplement du dysfonctionnement de la lampe. La version officielle fut celle de la maladresse, car elle était la moins "gênante" pour tout le monde ! En 1897, l'incendie du Bazar de la Charité va freiner pour un temps l'engouement du public pour cette invention si dangereuse. La classe bourgeoise va désormais la mépriser et le cinéma va se réfugier dans les baraques foraines où il va conquérir une nouvelle clientèle. Plus tard, il faudra construire des salles pour rassurer le public et effacer l'hostilité de l'élite cultivée. "(Source de ce texte : trouvé sur le site Trove de la Bibliothèque nationale australienne, à l'article biographique de Charles Pathé. Le lien de Trove vers le texte d'origine est inopérant.)
La ruelle du Vieux-Paris dans le Bazar
Supplément du Petit Journal du 16 mai 1897 (Source Gallica BnF)
La chanson
Au Bazar de la Charité
1.Elles disaient gentiment les vendeuses :Achetez-nous, c'est pour les malheureux ;Et se pressant, les riches acheteusesÀ leurs comptoirs accouraient à qui mieux !L'or affluait au milieu des sourires,De jolis doigts le faisaient ruisseler,Quand tout à coup vibre un cri de délires,Dans le bazar le feu vient d'éclater !Oui, c'est le feu se déroulant horrible !C'est l'incendie éclatant en fureur !Et qui partout comme un fléau terribleNe doit laisser que ruines et que douleurs. (bis)