Ne M'aimez Pas Comme Ça, svp

Publié le 07 mars 2023 par Hunterjones
Quand j'ai été engagé au bureau, après 3 ans et demi sur la route, je devenais gestionnaire de données. 

GESTIONNAIRE DE DONNÉES.

C'est-à-dire que je gérais, conformisait, importait les requêtes des 110 villes avec lesquelles nous faisons affaire. Je ne suis en contact avec quiconque exclusivement par l'écrit. Mon téléphone est candidat à la poussière et aux toiles d'araignées. Je dois réfléchir afin de me rappeler mon # de poste, ne connait aucunement le # du bureau par coeur, et ne répond jamais en direct. Ça ira toujours à la boite vocale d'abord. Peu doivent me rejoindre de toute manière. Je ne sais même pas transférer un appel et ne veut surtout pas le savoir. Le service à la clientèle c'était Stew Peed qui le faisait à mon entrée, puis, Simone & Garfield jusqu'en janvier dernier.

Mais ces deux-là ont quitté en janvier dernier. Stew, il y a plus de 500 jours. Nos courriels nous le rappellent quand un(e)égaré(e) tente de lui écrire et que c'est maintenant redirigé...vers moi.

Je gère la boite de courriel, ce que je fais depuis le début. Mais aucune autre communication en ce qui concerne cette horrible tâche qu'est le service à la clientèle, un corps de métier qui ne m'intéresse plus depuis plus de 20 ans n'émane de moi. 

Puisque Simone et Garfield n'y sont plus, on en fait un peu plus, un collègue et moi, Virgule Parenthèse et moi. Virgule est un bon bougre, mais qui n'est pas très bon en français, n'a pas fini son secondaire, alors c'est pas mal tout moi qui rédige puisque c'est aussi un peu pas mal mon métier, hors du bureau. Mais je reste fantôme. Je n'ai pas de signature de courriel, ni de #de téléphone, je suis "Merci et bonne journée, Service d'Entretien". Avec variable sur le merci quand j'ai besoin de davantage de précisions. Merci de confirmer si...merci de rajouter...merci de faire un suivi...merci de nous indiquer si...et ainsi de suite. Précis, froid, droit au but. Mon nom n'apparait jamais nulle part. Pas même mes initiales. La seule fois que je l'ai fait, placer mes initiales, c'était au début. Quand je faisais un rappel aux villes en retard passé l'heure de tombée, tâche que je dois régulièrement refaire tous les jours. Dans le temps des fêtes, envoyant mon traditionnel rappel, une de ces villes m'avaient appelé pour me dire sur un ton insulté, sans même un bonjour: "C'est qui ça? H.J.?". J'avais tellement envie de lui raccrocher au nez mais j'hésitais aussi entre avale ta face ou prends ta lèvre inférieure, passe là au-dessus de ta tête et avale bien fort, s'il te plait. alors je n'ai rien dit.  Ce qui l'a fait poursuivre. Il avait mal lu/écouté/compris en parlant avec je ne sais trop qui et pensait que nous étions fermé dans le temps des fêtes. Peu importe. Fuck off prick! Ne me parles jamais plus comme ça. Je ne suis pas le service à la clientèle, n'en ai plus le tempérament. Alors quand j'ai reçu cette invitation de notre patron anti-vaxx pour une réunion, hier, qui s'appelait "Plan de match, service à la clientèle" Je suis devenu tendu comme un mâle iranien face à une Femme. 

Christ non. Mon plan de match c'est qu'on engage quelqu'un pour le faire. Ce patron m'aime beaucoup et me trouve "une belle personnalité". Il me le dit continuellement. Ce n'est pas une raison pour me faire faire de ce que je déteste et pour quoi je ne n'ai ni été engagé ni ne suis payé. Je leur ai fait clairement savoir dans la réunion. Utilisant les termes "villes caves", complétant la phrase "Le service à la clientèle c'est... par d'la marde" ce qui en a fait rire trois autres.

Le patron anti-vaxx a dit "Ça fait parti de vos tâches" ce à quoi je n'ai pas donné mon aval disant qu'au contraire ça avait toujours été la tâche d'autres. Mais on nous a coupé sur d'autre sujets, mon téléphone a sonné et j'ai dû quitter la réunion. Sauvé par le rythme des conversations. 

Ne m'aimez aucunement comme ça, boss. Je prépare ma démission.

Deux jours avant, samedi, nous étions, l'amoureuse et moi, à notre condo du Nord. Un Condotel. Donc un centre de réseau de spa où beaucoup d'étrangers viennent recharger leurs batteries pour la semaine, comme nous. Dans les grands bains, on est donc entre inconnus, même si techniquement chez nous. Et presque nu(e)s entre nous dans les bains chauds.

Depuis quelques temps, Spotify, sur lequel je suis toujours, fait toute sortes de drôles de choses. C'est vrai que je le surutilise. Une des ces drôles de choses est de m'inviter à écouter de la musique tirée du téléphone d'un(e) autre tout près. Jérémie, James, Mélanie, ce week-end. Non merci. J'ai 400 listes de lecture et suis abonné à une douzaine de ballados, pas besoin des goûts des autres. Reçoivent-ils le même type d'invitation quand je suis autour ?J'ai eu ma réponse peu de temps après.

Samedi soir, Seul dans un bain tourbillon brûlant avec cette fameuse neige qui nous tombait sur la tête, il y avait aussi cette sculpturale jeune fille pas loin de moi. Je l'avais remarquée la veille, parce que je ne suis pas fait en bois. Mais cette fois, c'est elle, téléphone en main, qui me dévisageait. Elle me regardait comme si elle voulait me parler. Elle était très charmante. Je lui ai souri, elle m'a répondu généreusement. Elle était avec d'autres gens, ça en est resté là. J'avais aussi mon téléphone. 

Mais dimanche matin, en faisant mon jogging en salle sur tapis roulant, elle est soudainement apparue à mes côtés. Quand j'ai accès à un tapis du genre, j'y cours une demi-heure. Nous n'étions que tous les deux dans le mini-gym. Je joggais en écoutant ma musique sur mon téléphone

"Bonjour Hunter Jones" m'a t-elle dit, trop affectueusement.

"Bonj...on se connait ?"

"Tu ne me connais pas, mais moi je te connais. Je te lis tous les jours. Tu m'intéresses toujours. Ou presque. J'aime ta curiosité, ta sensibilité, ton style me plait..."

O.K....J'étais charmé. Mais aussi en couple. Et elle aussi si je ne me trompais pas, Je comprenais soudainement les regards épatés de la veille, J'étais tout à coup, Johnny Depp. J'ai enchainé.

"C'est quand les moments où je ne t'intéresse que "presque" ?" ai-je dit, toujours en courant. J'avais moi-même deux noisettes très noires et perçantes dans le regard.

"Oh je te lis facilement 4 à 5 fois par semaine, tu accompagnes mon premier café, tu me fais rire, tu m'apprends des affaires, tu es ma radio avant la radio dans l'auto au travail..."

Ce boost d'ego me faisait accélérer le pas

"Je dois y aller, mais continue, tu m'intéresses beaucoup" m'a t-elle dit, avec le sourire le plus stimulant pour un joggeur cherchant un second souffle.

Elle n'était pas en tenue de gym, mais en jaquette de chambre et la fenêtre devant le tapis roulant donne sur l'accès aux bains, qu'elle a emprunté rejoignant son groupe de 4, dont son chum, assurément. 

Elle s'est retournée vers moi, m'a lancé un regard fort invitant, a laissé tomber sa jaquette dévoilant son splendide corps athlétique, m'a souri coquinement. 

Je ne sais pas si ma bandaison était visible. Mais je courrais drôlement vite. 

Je ne pensais qu'à une chose, danser le houla dans les draps avec un corps de Femme. J'étais allumé.

Dans mes oreilles "It's so embarrassing to need someone like I do you, how can I explain ? I need you here, and not here too"  

Je ne voulais pas l'aimer comme ça. Mais je ne voulais pas non plus qu'elle m'aime comme ça. 

Dans un film Français lointain, Sandrine Kimberlain et Vincent Lindon, Benoit Jacquot, je crois aussi, Kimberlain dit à Lindon: "Je n'aime pas comment tu m'aimes!" outrée.

Lindon lui répond encore plus outré : "OHHHLA! ET SI IL FALLAIT MAINTENANT!"

Cette ligne m'était souvent restée en tête. Qui a raison ? qui a tort ? Je n'arrivais jamais à la même réponse. 

C'est Sandrine qui a raison. Je le sais maintenant depuis longtemps. Si vous ne vous aimez pas comme quelqu'un d'autre vous aimes. Vous êtes perdus.

Au travail, je suis perdu. 

J'ai des pistes d'ici le 22 mars.