À Toi, port d'attache de mes rêves,
que je voudrais pouvoir toujours, attendre sur le quai d'une gare,
coeur battant au rythme lent du mouvement chasseur de blues, le ressac.
Telle est l'épigraphe que Sylvie Délèze a placée au début de ce recueil de recueils de poèmes ou de proses poétiques.
À plusieurs reprises, des vers libres parlent de cette mère qu'elle ne sera pas:
Après chaque session de règles,
attendre.
Attendre que se refasse le nid.
Qui sait?
Chaque vacance, se dire
qu'une nouvelle vie peut-être
daignera poindre ici.
Des beautés du monde qu'elle ne montrera pas à ses petits.
De ceux qui la pacifient, tel ce chanteur qui se plaint de l'absence de deux femmes aimées, Marianne et Susan:
Les chansons de Leonard
calment
le bouillon
d'enfant-sans-enfant
de fille
vide.
De belles personnes, tel ce vieil homme devenu proche:
À tailler ainsi l'herbe avec Beau-Papa,
lui qui va gaillardement sur ses nonante et une années
d'une vie laborieuse
guidée par la recherche
de la juste mesure
je vois combien il est tout beau,
dedans.
Il est également souvent question de sa mère:
Ma mère fut tout à la fois
ma gloire et ma gêne
en même temps et sous le même rapport
Sylvie Délèze aime jouer avec les mots dans les titres qu'elle donne à ses recueils comme dans certains de ses vers:
Le rire de soi fait pousser les ailes
même aux plus sales moments
Qu'il soit donné de vivre.
[...]
Oui
vraiment
comme pour passer le gué
ou le goufre
aile-toi
et le ciel
t'ailera.
Les mots, ce sont aussi ceux des dialectes de la terre des ancêtres de son Aimé:
Pays de toutes les surprises
où le général Garbibaldi in personam finit par nous héberger dans une piaule sans lit matrimonial,
où Sylvester Stallone, Madonna et Rocky Balboa
fleurissent les ronds-points, vendent des fromages de chèvre et prennent la place des Saints.
Il n'est pas étonnant qu'elle s'y plaise, elle qui aime mettre le cap vers le Sud et ne doute pas que les nuits de la Saint-Jean d'été triompheront toujours de sa mélancolie:
Une telle fièvre paysanne,
je sais,
ne peut dès lors qu'inspirer
le plus grand mépris
aux esprits raffinés,
aux esthètes du Nord,
amateurs de brumes
évanescentes ou de vers
délicatement ciselés,
pour moi qui suis un chantre
gaulois et endiablé
de l'auguste saison et de ses effusions
qui parlent à mon ventre
d'où l'âme peut renaître.
Francis Richard
Le Ressac, Sylvie Délèze, 116 pages, Éditions de l'Aire
Livre précédent: