Nous sommes transportés en 2008, sept ans après le traumatisme du 11 septembre, avec en perspective la crise financière qui va secouer le monde, quelques mois avant la prochaine élection présidentielle américaine.
L’action se déroule en Afghanistan, où ont débarqué en représailles les troupes de l’OTAN, avec toute la logistique militaire qui les accompagne : des bases puissamment protégées, la couverture informationnelle, les armes nouvelles – drones armés – le décryptage des données, l’entraînement d’une armée afghane peu efficace, les troupes de mercenaires. On retrouve l'atmosphère des romans de Cedric Bannel, en plus âpre.
En face : des clans rivaux, des vengeances pour l’honneur, des fournisseurs qui font des bénéfices énormes, de la corruption au plus haut niveau, le rôle des services secrets pakistanais et l’action délétère de la police aux frontières, le trafic de la seule richesse du pays, vitale : l’opium qui sert à fabriquer l’héroïne et en sens inverse des cantines entières de dollars.
L’histoire se focalise sur deux groupes de personnages : Sher Ali Khan Zadran chef de clan pachtoune, alias Shere Khan, qui part en vrille après qu’on ait tué son fils aîné et surtout sa dernière fille, prunelle de ses yeux, en lutte aussi contre les les talibans, qui sont partout. Et, en face, une escouade de paramilitaires stipendiés par une officine dérivée de la CIA, mercenaires sous pseudos Fox, Tiny, Youdoo, Ghost, Wild Bill, Rider, Viper et Data.
Chacun canarde, égorge, se fait sauter en martyr, mieux que dans les jeux vidéo. C’est une littérature de mecs très visuelle, un style ciselé, un mouvement perpétuel. Des notions de géopolitique, encore - ou peut-être encore plus – actuelles. On comprend mieux, depuis son fauteuil, les enjeux d’une guerre « à haute intensité » et les trafics souterrains qu’elle génère. Et aussi pourquoi les Américains (et pourquoi si tard !) ont quitté cette région maudite vouée à subir encore pendant des siècles la guérilla entre factions irréconciliables. Et à abreuver les occidentaux de la drogue qui les tue, une autre forme de destruction massive.
Pour François Busnel, il s’agirait d’un chef-d’œuvre … Je n’irai pas jusque là et ne lirai sans doute pas la suite de cette histoire.
Un dernier détail, la signification du titre : « Pukhtu, c’est Quis Abdu Rachid, père de tous les Pachtounes, le premier d’entre eux à avoir vu La Mecque et le premier prêcheur de l’Islam à son retour, converti par Mahomet et dont les fils enfantèrent toutes les tribus du Sud, de l’Est et du Nord de l’Afghanistan. »
Pukthu Prime, roman de guerre par DOA, publié chez folio policier, 796 p., 10€