Comme Spielberg avec The Fabelmans, ou James Gray avec Armageddon time, Sam Mendes qui ne s’était encore jamais vraiment dévoilé jusqu'à présent dans ses films a eu, sans doute grace aux vertus du confinement, envie de graver sur pellicule ses souvenirs d’enfant et parler notamment de sa mère, dévorée par une bipolarité, ainsi que de l'adolescent fou amoureux de salles de ciné qu'il était.
Tout cela fait que Sam Mendes retrouve une ambition narrative qui faisait défaut ces dernières années au réalisateur d’American Beauty, entre ses James Bondery et son dernier né en date, 1917, beau tour de force cinématographique certes mais qui manquait par trop de consistance.
Ce qui fait tant plaisir dans le retour en force au 7ème art de Sam Mendes ( disons depuis Noces Rebelles, son dernier grand film à ce jour) c'est qu'il ait lieu dans un cinéma, lieu de vie s’il en est.
Sorte de palace Art déco, le fictif Empire of Light qui semble appartenir à une époque révolue mais son positionnement face à la mer du Nord, sur la jetée station balnéaire au nord de Douvres prisée par le peintre Turner confère au film une poésie poignante que le travail du chef opérateur Roger Deakins ne fait que sublimer.
Sublimement réalisé, Empire of light, s'avère aussi être une très belle histoire qui mêle, audacieusement, l’intime ( les problèmes mentaux de sa mère) et le public (le cinéma), avec une générosité et une sensibilité bouleversantes.
Le scénario, simple en apparence mais profond et tres beau lorsqu'on gratte sous le vernis trouve un équilibre parfait entre les différents protagonistes de l'histoire et leurs luttes avec lesquelles le spectateur ne pourra qu entrer en empathie.
Car Sam Mendes parvient à dresser , en parrallèle de son très beau portrait de femme (campée par une Olivia Coleman qui crève l’écran et qui compose avec justesse les différentes complexités de son personnage) un tableau de l’Angleterre des années 80 entre difficultés sociales et xénophobie grimpante.
Une Angleterre Thatcherienne et toutes les questions de l'époque qui ne semblent d'ailleurs pas nécessairement résolues de nos jours, mais reviennent peut être même avec plus d’insistance.
Ainsi, a contrario de ce qu'on a pu lire ici et là dans les critiques assez mitigées du film ( contrairement au dernier Spielberg qui nous aura paru plus compassé et ennuyeux), Empire of light n'a rien d'un long métrage suranné et mortifère et bien qu'il soit impregné tout du long d'une pudeur et d'une retenue qui l'honore, brille d'un feu et d'un amour du cinéma qui le rend aussi actuel que poignant.
EMPIRE OF LIGHT ****
Sam Mendes
Royaume-Uni / États-Unis – 2022
Film vu en avant première dans le cadre du Ciné O Clock de Villeurbanne