Roman - 330 pages
Éditions actes Sud - août 2021
Jacques Bonhomme a eu un souci administratif avec la déclaration de nouveaux bovins et le contrôle DDPP qui s'en suit. A trente-six-ans, entre les difficultés de la filière et les exigences qu'il subit, il abandonne, il fugue, il fuit à travers la forêt, il tourne le dos à son exploitation, mais en gardant toujours les pieds en pleine terre.
Des mots touchants pour décrire un parcours d'agriculteur inspiré de faits réels. La fragilité de ces travailleurs isolés, la menace des suicides qui les délivreraient, les tenailles dans lesquelles ils se prennent, les crédits ingérables... C'est du banal, mais c'est du tu, du caché, des vies individuelles qui ne portent pas facilement leur écho.
Extrait :
"On n'était pas d'accord, avec Jacques. Je prétendais qu'on n'avait pas besoin d'être labellisés pour prendre soin de la terre et des bêtes. Ce que j'en pense, c'est qu'il ne devrait pas y avoir de normes pour le bio, c'est le bio qui devrait être la norme. Et ce sont les autres, tous ceux qui produisent de la merde à la tonne, qui devraient faire l'objet des contrôles. On mettrait de grosses étiquettes à tête de mort dans les rayons, des rangées de merde en pack bien identifiées, à des prix exorbitants, réservés aux nantis, parce que c'est ça aussi le malheur : ce qui est mauvais pour les riches, on prétend que c'est bon pour les pauvres."
Avec ce récit à plusieurs voix, on tourne autour de ce "Bonhomme", appelé "Bas-Homme" de manière cynique, mais aussi Jacques de façon très tendre par son entourage. Un homme dont le portrait s'avère aussi passionnant, riche intérieurement que son statut se veut simpliste, sous-doté. Comme il aspire à une plénitude, comme ses bêtes sont celles vers qui il a toujours déversé son amour, comme il ne s'imagine pas sa vie sans poésie, littérature et travail de la terre, il suit son idéal. Tragique fuite, unique échappatoire, cavale ultime. Le suspense traverse tout le roman et le lecteur tremble en pensant à l'irréparable.