Lire c'est explorer l'univers d'un(e) autre. C'est apprendre, découvrir des milieux, confronter des idées, comprendre des mondes, c'est accepter de s'infiltrer dans le parcours mental d'autrui. C'est aussi accepter de respirer au rythme de quelqu'un d'autre.
Et respirer, c'est vivre.
THE MAGUS de John Fowles
John Fowles est un Anglais qui a découvert Sartre et Camus à Oxford et s'en est délecté. Sans se considérer pleinement existentialiste, il trouvait le monde absurde, lui aussi, et les textes des deux essayistes rejoignaient sa pensée. À la fin de ses études, il a deux offres pour enseigner et choisit la plus absurde, celle qui l'envoie travailler en Grèce. Toutefois, en Grèce, il tombe amoureux d'une collègue enseignante dont le mariage s'éteint. Non seulement il en sera le nouveau conjoint, mais il adoptera légalement la fille qu'ils avaient eu de ce mariage et sa relation inspirera l'écriture de The Magus. Qu'il écrit dès 1960.
Mais son premier roman sera The Collector. Selon Fowles, les collectionneurs ont un côté psychopathe assez développé les rendant obsessifs et possessifs plus facilement que quiconque. The Collector raconte l'histoire d'un collectionneur de papillons qui pousse sa passion jusqu'à collectionner...les femmes. Qu'ils gardent séquestrées chez lui. Le livre est lancé en 1963 et fait sensation. Il vend énormément malgré la noirceur du thème. Les droits cinématographiques sont achetés et on en fera un film mettant en vedette Terence Stamp et Samantha Eggar. Le film aussi sera un succès. Fowles fait tant d'argent qu'il quitte son poste d'enseignant et se consacra lors entièrement à la littérature.Contre l'avis de sa maison d'édition (de manière absurde?) il insiste pour que son second roman soit sa série d'aphorisme appelée The Aristos. Des essais philosophiques qui ne vendront jamais autant. Mais comme le film The Collector sort l'année suivante, il encaisse encore de bonnes sommes.
Il retravaille donc The Magus. Nicholas Urfe est un gradué d'Oxford et un aspirant jeune poète. Il a brièvement travaillé dans une école de Londres mais s'en est vite ennuyé. Acceptant un poste sur une île Grecque, il revit le même cycle d'ennui, de solitude, voire de dépression. Il pense même au suicide. Il fait la rencontre d'un millionnaire qui aurait peut-être été collaborateur des Nazis durant la Seconde Guerre Mondiale. Au début, Nicholas s'amuse du "jeu de Dieu" dont lui parle cet homme, (The Godgame était le titre original dans les années 50). Mais peu à peu, il devient impliqué lui-même et ça devient plutôt intense.Psychologiquement torturé, manipulé, blessé, et réinventé par une série d'incidents qui le glisse dans la toile de ce millionnaire, il ne découvre jamais vraiment le vrai du faux, le surnaturel du réel, ce qui est hypnotisme et mensonges. Le roman contient de nombreuses références aux dieux et déesses grecques, à la religion, à la philosophie, à l'érotisme et au contenu artistique. On s'y noie facilement se trouvant incapable de lâcher le livre.
Sa prose est à fois belle et obscène. Absurde.Les droits d'adaptation pour en faire un film seront aussi achetés, dès la sortie du livre, en 1965. Mais le film sera raté. Fowles a une écriture cinématographique car son livre suivant, inspiré de la vie qu'il mène sur une ferme de Londres entre 1965 et 1969, The French Lieutenant's Woman, sera aussi adapté, beaucoup plus heureusement, en film. Et me fait alors découvrir à la fois Jeremy Irons et Meryl Streep.
Fowles était aussi très francophile pouvant aisément converser, dans la langue de Molière.
Mais The Magus (Le Mage en français) sera son livre le plus étudié de toute son oeuvre dont les derniers écrits sortent en 2006. Fowles étant décédé l'année précédente, à l'âge de 79 ans.