Critique de Un président ne devrait pas dire ça… de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, vu le 17 février 2023 au Théâtre Libre
Avec Thibault de Montalembert, Scali Delpeyrat, Hélène Babu et Lison Daniel, mis en scène par Charles Templon
Un Président ne devrait pas dire ça, c’est vraiment le genre de spectacle qui joue avec mes contradictions. Je suis vraiment partagée entre l’intuition qu’adapter un tel livre à la scène n’est pas une bonne idée, la curiosité de savoir ce qu’ils ont pu en faire malgré tout, et l’envie de revoir Thibault de Montalembert sur scène, quand même. On voit ce qui a fini par prendre le dessus. Je ne peux pas dire que j’ai été totalement convaincue, mais je ne peux pas dire non plus que j’ai passé une mauvaise soirée.
L’idée était donc d’adapter le livre des journalistes Gérard Davet de Fabrice Lhomme écrit à partir des rencontres organisées pendant la quasi-intégralité du mandat de François Hollande lors desquelles chacun semblait avoir un but précis : d’un côté, s’assurer une petite promotion en faveur d’une potentielle réélection, de l’autre, arriver à rapporter du croustibail de qualité. L’adaptation a fait le choix de conserver fidèlement les dires du Président, mais s’est accordée une plus grande liberté sur tout ce qui entoure ces presque cinq ans d’échanges réguliers.
J’étais vraiment circonspecte, je dois dire que je suis finalement plutôt agréablement surprise. L’adaptation fonctionne : ce qui nous est proposé à été pensé pour la scène. C’est dramatisé autant que possible, les dialogues font avancer l’action, le propos est tangible. On pourrait croire que c’est la base, mais j’ai vu trop de créations basées sur du vide pour ne pas me méfier. Alors autant saluer l’effort et le travail, ça ne fait pas de mal.
Ceci étant, on sent quand même les deux parties distinctes du spectacle. D’un côté, l’aspect journalistique, basé sur la fiction. De l’autre, l’aspect politique, entièrement constitué de verbatim. Le premier se tient bien, Thibault de Montalembert porte son personnage avec un bel aplomb, son duo avec Lison Daniel fonctionne tout à fait, les interventions d’Hélène Babu sont un régal. Je dois reconnaître que j’ai suivi ces échanges avec une vraie attention.
Mais le second est plus compliqué à faire exister théâtralement. Les rencontres journaliste/président sont d’abord projetées sur la porte du cabinet présidentiel – on les suppose filmées en direct juste derrière – avant d’être jouées réellement devant nous dans un second temps. Je comprends le besoin de dynamiser cette forme, compliquée à théâtraliser, mais les vidéos sont lourdes et l’effet est manqué. Cette grande porte qui sert de support aux projections a peut-être une autre fonction cachée : occuper un peu l’espace. Parce que finalement, compte tenu du propos du spectacle, avait-on véritablement besoin d’un si grand plateau ?
Le spectacle est finalement battu par ce qui fait sa force. C’est parce que nous avons tous entendu parler du livre, par les personnages qu’il met en scène, par ce qu’il a impliqué politiquement parlant, qu’il nous attire. Mais c’est aussi lui qui le contraint. Ce matériau ne semble pas avoir trouvé sa place. Trop honnête pour nuire à l’homme politique, mais pas non plus assez flamboyant pour donner un grand spectacle. François Hollande ne se lâche à aucun moment. L’enjeu de l’interview, les rapports de pouvoir qui pourraient s’instaurer entre les personnages au fil des discussions ne se ressentent pas vraiment. Peut-être la fiction aurait-elle été plus intéressante – mais alors on aurait perdu le côté marketing, et peut-être quelques producteurs au passage. Triste réalité du spectacle vivant.
C’est plutôt un bon travail, mais au bout du compte, quel intérêt ?