Ce livre m’a été offert par ma mère et c’est effectivement un très joli objet, avec de belles illustrations, de belles mises en page et typographies, un papier de qualité. Et ce qui est encore mieux à mes yeux : le texte est vraiment éclairant, érudit dans le bon sens du terme, agréablement ciselé. Les choix de poèmes m’ont beaucoup plu, et le tout forme un ensemble très réussi, qu’on peut lire et relire avec un plaisir renouvelé.
Extrait de la Quatrième de couverture
Qu’est-ce qu’un haïku ? C’est, en quelques mots, la saisie poétique instantanée d’un événement personnel, si modeste soit-il. Le haïku nous apprend souvent à ressentir ce qui est devenu invisible aux yeux de tous.
La tradition littéraire japonaise a codifié ce mode d’expression selon des règles simples qu’Alain Kervern nous dévoile dans ce très beau recueil de présentation, agrémenté d’exemples de haïkus anciens et contemporains. La structure de ce livre s’inspire de celle de l’almanach poétique du Japon (saïjiki) qui répertorie l’ensemble des mots de saison caractérisant les émotions saisonnières vécues au long d’une année. (…)
Mon avis en bref
Le choix de présenter les différents « mots de saison » nous permet de nous imprégner des us et coutumes japonais. Par exemple, le choix du mot « lanterne » pour l’automne nous renvoie à Le Fête des morts du 20 septembre, aux ornementations des temples et jardins ou encore aux quartiers de plaisir (aujourd’hui disparus) des villes animées. Tout cela nous est expliqué dans le texte et nous permet de mieux comprendre et saisir le contexte des haïkus qui suivent. D’autres mots tout aussi emblématiques de la culture japonaise, comme chrysanthème, sourire de la montagne, premier rêve de l’an, etc. sont ainsi mis en valeur à travers ces pages.
J’ai appris aussi, grâce à ce livre, l’existence d’une « cinquième saison » qui est en réalité le jour de l’an, c’est-à-dire à peu près la période de nos Fêtes de fin d’année, où fleurit tout un vocabulaire particulier lié à des activités rituelles.
Un livre que je conseille sans réserve, pour son intérêt culturel autant que littéraire.
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mot de saison : « Lune de printemps »
Lune gorgée de printemps
que je la touche
et de l’eau en coule
Kobayashi Issa (1763 – 1827)
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Lune de printemps
d’un jaune peu ordinaire
serait-elle malade ?
Matsumoto Takashi (1906-1956)
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mot de saison : Herbes d’été
Une fois fauchées
les herbes d’été
mille parfums se libèrent
Hosomi Ayako (1907-1997)
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Dans les herbes d’été
une chèvre
comme tissée de coton
Ueno Yasushi (1918-1973)
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mot de saison d’automne : Lanterne
Un premier amour
sous la même lampe
visage contre visage
Taïgi (1709-1771)
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Plus que la magnificence
des lanternes
cette lumière qui serre le coeur
Masaoka Shiki (1867-1902)
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mot de saison : glaçons en suspens (tsurara)
Pas de frise de glaçons
au bord du toit
mais de nouveau le couchant.
Rankô (1726-1798)
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Il n’a aucune intention meurtrière
le lourd rideau de glace
sous lequel je passe
Kodama Niro
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Lointaine maison
perles de glace en feston
dans des chutes de lumière
Takahama Toshio (1900-1980)
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mot de saison : premier rêve de l’an (hatsuyume)
Premier rêve de l’an
en larmes j’y ai vu
mon pays natal
Kobayashi Issa (1763-1827)
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Premier rêve de l’an
je le garde pour moi
et j’en souris tout seul
Itô Shôu (1859-1943)
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