L’architecte Claude Yacoub a indéniablement marqué le paysage artistique de Martinique avec ses interventions in situ qui ont surpris, séduit et peut- être parfois choqué le public traditionnel. De retour pour conduire un workshop au Campus caribéen des arts, il revient sur son parcours et ses réalisations d’ici et d’ ailleurs
Peux-tu nous rappeler, pour ceux qui ne te connaissent pas, ton parcours de vie ?
Je suis né en Martinique il y a soixante ans mais je ne suis pas que Martiniquais. J’ai vécu une très grande partie de ma vie en Martinique, jusqu’à mon départ pour mes études à l’École Spéciale d’Architecture à Paris. Une fois diplômé en 1989, je suis tout de suite rentré à Fort-de-France où j’ai très vite travaillé à mon compte en tant qu’architecte libéral jusqu’en 2002.
L’architecture, l’urbanisme, le design, le mobilier urbain et les installations artistiques éphémères étaient au centre de mes activités.
En 2002, je suis parti rejoindre mes autres identités et suis allé vivre en Syrie. J’ai vécu à Damas où j’ai enseigné, j’ai co-créé une faculté d’architecture privée, j’y donc ai enseigné l’architecture. Puis, avec les événements (la guerre), j’ai dû quitter la Syrie tout en restant très impliqué – je me suis beaucoup engagé dans le design humanitaire, dans l’humanitaire, la formation d’architectes et d’ingénieurs en Syrie et en Turquie.
Je suis revenu alors à Paris où j’avais déjà passé un doctorat en Sciences de l’information et de la communication, ce qui a confirmé mon attrait premier pour l’enseignement et la recherche et jusqu’à ce jour, je ne faisais pratiquement que ça. Entre 2002 et 2020, enseignement et recherche à Paris, Montréal et différents coins de la Terre où j’ai animé des workshops humanitaires à Dakar, à Gaziantep, à Amman et à Port-au-Prince.
Maintenant, depuis trois ans, je vis à Houston aux États-Unis. Mais je me suis de nouveau rapproché de la Martinique, où je suis revenu – ne dit-on pas que c’est l’île des Revenants ? – vingt ans après.
En 2010, j’avais déjà été invité en Martinique par le Campus Caraïbéen des Arts pour un workshop sur le design humanitaire après le tremblement de terre de Port-au-Prince.
Cette fois, je suis revenu récemment une seconde fois au Campus Caraïbéen des Arts, où j’avais enseigné en 1995(ma première expérience d’enseignant). À l’époque, c’était l’Institut régional d’arts visuels.
Pourrais – tu reprendre à ton compte les mots d’Amin Maalouf qui introduisent Les Identités meurtrières
Ce qui fait que je suis moi-même et pas un autre, c’est que je suis ainsi à la lisière de deux pays, de deux ou trois langues, de plusieurs traditions culturelles. C’est précisément cela qui définit mon identité. L’identité ne se compartimente pas, elle ne se répartit ni par moitiés, ni par tiers, ni par pages cloisonnées. Je n’ai pas plusieurs identités, j’en ai une seule, faite de tous les éléments qui l’ont façonnée, selon un dosage particulier qui n’est jamais le même d’une personne à l’autre.
Je les reprends à mon compte, bien sûr en mettant des guillemets. Je suis, comme il le dit, à la lisière de deux pays, de deux ou trois langues et de plusieurs traditions culturelles, c’est absolument comme cela que je ressens les choses.
Le grand tournant dans ma vie, au niveau identitaire, ça a été en 1988, j’étais à l’École Spéciale d’Architecture où je préparais mon diplôme, j’ai découvert un concept tout nouveau, tout frais, c’était la créolité de Bernabé, Confiant et Chamoiseau. Ils l’avaient présenté pour la première fois à la presse à Saint-Denis. J’étais avec deux amis martiniquais, et cela a été pour nous une révélation, j’ai pensé c’est peut-être ça une des réponses, ce n’est pas l’unique réponse, mais une des réponses à cette fameuse question identitaire et d’ailleurs, mon diplôme d’architecte, avait pour titre quelques mois après « Créolité et modernité à la Martinique ».
Là, on en vient à l’une de mes identités, qui est Syrienne, puisque mes deux parents sont Syriens, c’est mon grand-père qui est venu à la Martinique le premier.
Est-ce que tu as connu la Syrie quand tu étais petit ? Est-ce que tu y allais ?
Absolument ! Dès mes deux ans et demi (c’est l’âge que j’avais pour mon premier séjour) et régulièrement, on allait y passer l’été tous les deux-trois ans. À l’époque, ce n’était pas comme maintenant, aller en Syrie, c’était un sacré voyage ! Il y a 50-55 ans, ça coûtait très cher et c’était toute une organisation.
Mon père étant commerçant, c’est lui qui gardait la boutique rue François Arago, et ma mère, mon frère et moi y passions l’été. On partait le premier jour des vacances et on revenait la veille de la rentrée. Donc, c’est sûr que ça a créé des liens familiaux et culturels, la langue bien entendu. Ce qui fait que tout petit, à table, à la maison, je parlais en français avec ma mère et arabe avec mon père, et ainsi je permutais naturellement de l’un à l’autre.
Je connais donc très bien le pays, la famille c’est très important pour moi, c’est pour ça que j’ai tenu à aller vivre cette expérience à Damas en 2002 où j’ai enseigné.
Tu as passé combien de temps à Damas ?
J’y ai passé 10 ans, de 2002 à 2012, avec des apartés à Paris pour deux diplômes (un troisième cycle en architecture durable et un doctorat en Sciences de l’information et de la communication). À un moment donné, ce n’était plus possible parce qu’on était dans une faculté où nous étions encerclés par les combats, avec des enlèvements, des morts…
Par la suite, j’y suis retourné et je me suis encore plus impliqué avec des formations d’architectes et d’ingénieurs, sous les bombes – les bombes russes déjà, donc je sais ce que vivent les Ukrainiens en ce moment.
On revient aux identités. La première, parce qu’elle est celle de mon sang, entre guillemets, mais je reviens tout de suite à mes trois identités, je dis toujours que j’ai trois identités, mais je ne les définis pas comme un tiers, un tiers, un tiers. Non, je les définis comme 100 % pour chacune. Ça veut dire que quand je suis en Martinique… Là, quand je suis revenu il y a deux semaines, je ne me suis jamais senti autant Martiniquais. Quand je suis à Damas ou dans mon village, sur les hauteurs de la Méditerranée, le village paternel où j’ai ma maison, mon atelier, toute ma vie est là-bas en fait, il n’y a pas plus Syrien que moi. Et quand je suis à Paris, en France, il n’y a pas plus Français que moi, que ce soit la langue, la culture, mon implication citoyenne et mon rôle d’enseignant entre 2008 et 2020.
Je vais plus loin encore, c’est Michel Serres qui m’inspire beaucoup. Il parle d’identité en disant notre carte d’identité est tellement multiple… On peut continuer : je suis créole, je suis Martiniquais, je suis Syrien, je suis Français, je suis architecte, je suis hétérosexuel, je suis artiste, je suis sportif, etc. etc. et ce sont toutes ces composantes qui font mon identité, je switch d’une à l’autre sans aucun problème. Il suffit que le contexte s’y prête et je suis tout à fait à l’aise et là, je n’ai plus à me poser les questions « Qui suis-je ? Que suis-je ? »
Nous allons maintenant passer à la question sur les installations. Comment passe-t-on de la conception architecturale à l’installation in situ ? Est-ce que c’est bien « Demain l’ailleurs » qui amorce cette pratique ?
Absolument ! Je suis passé très naturellement d’un à l’autre – rien ne disait qu’en 1989 j’allais créer des installations éphémères artistiques. Oui bien sûr, ma culture, mes études en tant qu’architecte à Paris, mes voyages dans le monde, m’ont beaucoup formé, mais pour moi le passage est évident.
Quelle a été l’étincelle, parce qu’il a bien fallu une étincelle ?
L’étincelle est dans l’ouverture d’esprit en tant qu’architecte. En 1987, j’ai eu la chance d’avoir Paul Virilio, le très fameux philosophe urbaniste comme professeur en 3e année d’architecture et lui m’a ouvert tellement de portes !
J’ai eu surtout, en 1988, deux architectes de renommée mondiale comme professeurs en visiting à l’École Spéciale d’Architecture. Le premier, Bernard Tschumi, ce sont les Folies de La Villette, tu vois ces Folies rouges, c’est un de ses projets emblématiques et j’ai surtout eu le second, Jean Nouvel (l’Institut du monde Arabe, le Quai Branly, la Philharmonie de Paris) et je pense que ces deux architectes, plus Virilio, m’ont permis de voir qu’un architecte, ça pouvait aller explorer d’autres contrées que l’architecture pure et simple.
Est-ce sur ta proposition ou t’a-t-on invité à intervenir artistiquement sur la Savane, cet espace de verdure et de promenade à Fort-de-France
Tous les projets que tu as été la première à connaître à la Direction Régionale des Affaires Culturelles ont toujours relevé de mon initiative.
Avec une nuance pour le premier, parce qu’à l’époque, c’était Habdaphaï et Taz’art qui m’avaient invité. Ils organisaient un festival d’art visuel, une sorte de biennale, en 1991. J’ai accepté parce que La Savane a un lien fort avec mon histoire. J’ai retrouvé une photo de ma maman enceinte de moi se baladant à la Savane. J’y ai cassé ma première dent en jouant au basket-ball devant le Monument aux morts, devant la Maison des sports. Comme pour toutes mes installations, il y a toujours une histoire liée à des lieux que j’ai connus, qui m’ont inspiré, et que j’ai donc voulu réinvestir.
Demain l’ailleurs, c’est le premier épisode. Le passage de la conception architecturale à l’installation in situ était d’autant plus facile que ma formation et mon métier d’architecte me permettaient de passer aisément de l’un à l’autre, c’est-à-dire de réaliser quelque chose qui au départ est très fictif et très utopique. Quand j’allais à la DRAC ou à la Caisse des Dépôts et Consignations ou rencontrer d’autres partenaires de Fort-de-France, je n’avais qu’une petite maquette, deux ou trois croquis, mais attention, toujours très bien présentés. On était loin des images 3D dont on dispose maintenant qui simulent vraiment mieux les projets.
C’était beaucoup d’énergie et beaucoup d’envie pour persuader mes interlocuteurs. Le fait d’être architecte et de montrer qu’en parallèle, j’avais déjà commencé à concevoir des bâtiments ou du mobilier urbain était un atout.
Je pouvais montrer qu’en tant qu’architecte, je savais mener un agenda, un programme et des contraintes à bon port. Que je savais gérer un budget et tout cela m’a beaucoup aidé, autant à persuader les mécènes, les interlocuteurs que dans ma démarche. D’ailleurs, je ne me suis jamais défini comme un artiste. Si on me demande ce que je suis, je dis toujours que je suis architecte.
Pour Demain l’ailleurs le passage était très évident et le switch de l’un à l’autre l’était… d’ailleurs il n’y en avait même pas, pour moi c’est la même personne qui réalise architecture ou installations artistiques avec le même mode de pensée.
Je n’oublie pas ma double rencontre en Martinique avec mes confrères et amis Marc Alie et Gustavo Torres. Dès 1989, à mon retour en Martinique, cette rencontre fut déterminante, aussi fidèle que stimulante. Demain, l’ailleurs a été amorcé par notre soirée au Château Aubéry en octobre 1992 et notre galerie éphémère aux Terres-Sainville où nous avons conjointement organisé Histoire d’amuser la galerie, à la même période. Et ils m’ont toujours accompagné, de près ou de loin dans tous mes projets, artistiques ou architecturaux.
Autre rencontre cruciale, que celle avec Christian de Verclos, alors Directeur des Services techniques du département. Il m’a tout de suite donné ma chance avec un premier projet : des supports pour des compteurs routiers, et bien d’autres commandes, jusqu’à finir en beauté douze ans après par la passerelle et l’appontement du Diamant.
C’est un peu particulier, Claude, parce qu’il n’y a pas beaucoup d’architectes qui se lancent dans l’installation.
C’est vrai. Ma palette en tant qu’architecte est large. En Martinique, j’étais le premier – je crois même que ça n’a pas été fait depuis – à créer du mobilier urbain. Quand j’ai réalisé des poubelles pour le Conseil général, le Conseil régional ou les panneaux d’information, ils avaient l’habitude de les acheter sur catalogue chez Decaux.
Ce sont les rencontres aussi qui ont permis le passage, avec toi à la Direction Régionale des Affaires Culturelles, avec Philippe Villard, à la Caisse des Dépôts et Consignations. C’est sûr que tous les architectes ne font pas d’installations ou du mobilier urbain, mais cette ouverture d’esprit, ces clés que Paul Virilio m’a posées sur les portes, ont été cruciales dans ma vie, c’est évident.
Jean Nouvel, par exemple, c’est le côté mise en lumière, la nuit. Tout de suite, quand il est rentré (dans notre premier atelier avec lui), il nous a parlé d’un livre à lire absolument, c’était Richard Bohringer, “C’est beau une ville la nuit“. Je connaissais Bohringer en tant qu’acteur – que j’adorais –, quand j’ai lu ce bouquin et quand Nouvel nous a dit : “Nous, les architectes, nous oublions que nos architectures vivent la nuit !“. Ça, ça a fait tilt et puis Bohringer, avec toutes mes lectures sur la nuit… Et mes voyages bien sûr, voir des villes comme Tokyo, Hong Kong, New York la nuit, c’est sublime et si inspirant !
Tous ces déclics sont évidents ! Je ne sais pas si j’ai répondu à ta question…
Tout à fait, oui et je pense que tu as commencé à répondre à la suivante : de la conception à la production, quel savoir-faire ?
C’est ça, c’est que le pas est franchi, je sais faire ! Une fois que j’ai réalisé ma première installation “Demain l’ailleurs“, ça a été plus facile de persuader Guy Lordinot, alors Maire de Sainte-Marie de poser des étoiles sur le Tombolo. J’avais déjà coordonné “J’attends la fin d’un monde“, donc là aussi, quand je vais te voir, quand je vois Philippe Villard et la Ville de Fort-de-France en leur disant : Une nuit, rue François Arago, on va mettre 50 voitures, 80 postes de télévision, le tout recouvert d’une bâche en plastique, ils pensent sans doute ce mec est barré, il est complètement fou ! et en même temps, ils se disent pourquoi pas, il le présente comme un architecte ! Dans le dossier, il y avait un plan, il y avait une coupe, des collages, et il y avait des contraintes qui étaient évidentes et qu’il fallait résoudre : les autorisations à la Mairie, à la Préfecture de police, chez les pompiers et tout ça rejoint naturellement mon métier d’architecte.
Manifestement, les dossiers de préparation des projets sont marqués par ton savoir-faire architectural, ce sont des dossiers d’architecte en fait.
C’est évident ! Concept, scénario, étude de faisabilité, fiches techniques, descriptif, estimatif.
Oui, bien sûr, c’est lié à ce qu’on appelait dans le métier le cahier des clauses techniques particulières et le cahier des clauses administratives particulières. Tout ça, je l’ai appris, donc je le dupliquais à tous les projets et je montrais que je savais faire.
Quelle place occupent dans ta pensée les projets non encore réalisés ?
Jean Nouvel m’a beaucoup marqué sur ce sujet ainsi que Philippe Starck, le designer. À l’époque, un de leurs plus gros projets c’était l’Opéra de Tokyo, un monolithe noir avec l’intérieur doré qui n’a pas été réalisé. Il y a eu un concours international. Je ne sais pas pourquoi Tokyo a laissé tomber le projet. Nouvel nous disait à ce moment-là à quel point ce projet était réel pour lui, il vivait en lui alors qu’il n’a pas été fait et qu’il ne serait jamais réalisé. Je vais te répondre exactement de la même façon : j’ai des projets, je pourrais te les lister, comme “Les Ailes du Désir“ que j’avais proposé à Christian de Verclos sur la rocade, des profils d’ailes qui planaient sur les 7 kms de la Rocade !
“Des lunes et des jours“ aussi peut-être ?
Oui, les fameux ballons à l’hélium, immenses, suspendus autour du Rocher du Diamant, gravitant dans le désert à Palmyre en Syrie, à Venise, à Sydney et j’en passe.
“Banana’s Land“ : les sacs en plastique bleu (qu’on met sur les régimes de bananes pour les protéger des insectes), j’avais proposé de les remplacer par un film que la NASA avait à l’époque produit, qui captait les UV le jour et devenait phosphorescent la nuit. On pouvait illuminer la Martinique entière comme ça. Mais c’était irréalisable, c’était très cher.
Ces projets-là m’habitent comme si je les avais faits – et je ne les laisse pas tomber ! Je pense que “Des jours et des lunes“, ça peut encore se faire.
Il y a “Larmes d’espoir“ aussi. Avec le même principe que “Trente mille âmes sous les cieux“ à Saint-Pierre, avecles sticks lumineux. Le projet, c’était d’illuminer l’île Saint-Louis et l’île de la Cité à Paris. C’était un projet avec le professeur Delattre pour la lutte contre le cancer. Ma mère venait de nous quitter suite à une tumeur cérébrale. Et je désirais réaliser quelque chose avec cette équipe de chercheur remarquable qui l’avait accompagné à Paris. Mais je ne l’ai pas fait parce que je suis parti en Syrie et que je ne pouvais pas suivre à distance, je n’avais pas cette facilité comme aujourd’hui de contacts et d’échanges via Internet.
Ces projets non réalisés sont très importants, ils restent dans un coin de ma tête et puis il y en a qui reviennent, je ne vais pas divulguer les choses, mais il y en a un en Martinique, qui date de 1999 et qu’on va réaliser, c’est un des projets qui va me faire certainement revenir.
Et ton retour au Campus Caraïbéen des Arts pour un workshop.
En 2010, ils m’avaient déjà invité à faire un workshop de dix jours. Je voulais faire réfléchir des étudiants en design à des installations artistiques et au dernier moment, j’ai changé de thématique parce qu’il y a eu le tremblement de terre d’Haïti et nous avons plutôt retenu l’architecture d’urgence et l’aide humanitaire.
Et j’avais gardé des contacts, entre autres avec Géraldine Constant. C’était l’anniversaire des trente ans de “Demain l’ailleurs“ sur la Savane. J’avais aussi remis une étude de deux cents pages sur les délaissés urbains à la municipalité de Fort-de -France. L’idée a plu au directeur de l’École et un workshop de dix jours a été organisé avec des étudiants en 4e et 5e années Art pour une future installation sur la Savane.
La Savane a été répartie en cinq sites pour sept équipes de quinze étudiants soit un trinôme, six binômes et nous avons proposé sept projets.
Ce projet se veut être la première étape d’un projet ambitieux qui serait une biennale ou une triennale de Folies éphémères à Fort-de-France. J’adore ce terme de Folies éphémères, j’imagine les petites sœurs des Folies de Tschumi à La Villette posées sur la Savane de Fort-de-France. Les étudiants ont conçu des projets intéressants. Sur les 7, il y en a 2 ou 3 qu’on pourrait réaliser aujourd’hui avec énergie, volonté et tous les partenariats.
Et ça, j’essaie de le raccrocher en ce moment la BIAC. Pour la BIAC 2023, ce sera trop juste parce que les budgets sont bouclés, les programmes aussi. Mais il n’est pas impossible que des projets soient présentés lors de la BIAC 2023 (la BIAC off) en attendant de les réaliser sur la Savane pour la BIAC 2025. Nivine, ma femme, architecte et artiste, et moi-même travaillons ensemble à un projet de très grande envergure pour 2025. Ce serait “Demain, l’ailleurs“, mais à une échelle encore plus grande, certains des étudiants du workshop de ce début d’année y seront invités, ainsi que d’autres artistes et architectes.
C’est une première expérience. Ce retour à la Martinique est très intéressant, très concluant. Il faut travailler, c’est sûr, les étudiants sont encore un peu jeunes, ce passage au réel n’est pas évident pour eux, c’est assez difficile mais je pense qu’il y a un vrai potentiel. Il faudrait que cela se renouvelle et que le Campus invite d’autres artistes, d’autres architectes ou designers à faire ces installations in situ pour les sensibiliser à la problématique.
Il y a une réelle attente, ce qui explique le succès de manifestations comme Matjoukann à Saint-Pierre en octobre dernier.
J’ai expliqué aux étudiants : c’est à vous de préparer votre portfolio et d’aller voir toutes les communes, tous les Cap Nord, Espace Sud et autres collectivités, potentiels maîtres d’ouvrage ; sans oublier les privés. Faites comme moi. J’étais parti en 1989 avec mon petit portfolio noir et blanc, très abstrait et un certain Christian de Verclos dont j’ai parlé précédemment a accroché et m’a donné du travail pendant treize ans et j’y serais encore si je voulais !
Voilà, il faut y aller, il faut rentrer dedans, il faut provoquer des rencontres, et ce projet et bien d‘autres font qu’aujourd’hui je vais peut-être revenir en Martinique. Pour des commandes d’installations artistiques pérennes et éphémères, et des projets d’architecture dont je parlerai bientôt.
Le contact est renoué, plus que jamais, et la Martinique, c’est tout à côté de Houston !
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1 Le Nomade est le nom de l’atelier de Claude Yacoub à la rue François Arago
Entretien avec Dominique Brebion