Dans le cadre de mon Mois Thématique Japonais de février 2023, j’ai lu ce court roman d’une jeune écrivaine contemporaine, dont le titre et les deux faces de la couverture m’ont attirée dès que je les ai aperçus en librairie.
Note pratique sur le livre
Editeur français : Picquier poche
Première date de publication : 2014 au Japon, 2016 en France
Traduit du japonais par Patrick Honnoré
Nombre de pages : 154
Note sur Tomoka Shibasaki
Née en 1973 à Osaka, elle fait ses débuts littéraires en l’an 2000, après des études universitaires à Osaka. Ses romans ont été à deux reprises adaptés au cinéma, par les cinéastes japonais Isao Yukisada en 2003 et Ryusuke Hamaguchi en 2018. Elle a reçu le Prix Noma en 2010 pour l’un de ses romans. « Jardin de Printemps » est la seule de ses œuvres traduites en français, jusqu’à présent. (Sources : éditeur et Wikipédia)
Quatrième de Couverture
Jardin de printemps, c’est d’abord un livre de photographies, celles d’une maison bleue avec son jardin au cœur de Tokyo, instantanés de la vie d’un couple heureux il y a une vingtaine d’années.
Les saisons passent, les locataires aussi. Ils se rencontrent, se croisent. D’un balcon ou sur un chemin, ils sont comme aimantés par cette maison endormie.
Dans ce roman amical et rêveur, tout est en léger décalage, au bord de chavirer, seuls les lieux semblent à même de révéler ce qui flotte à la surface de notre cœur.
L’immeuble où habite Tarô, promis à la démolition et qui se vide peu à peu, la vieille demeure de style occidental, paradis perdu qui un jour reprend vie, réactive la possibilité du bonheur.
Qui n’a jamais rêvé de pénétrer dans une belle maison abandonnée pour en percer le secret ?
Mon avis
Une de mes amies, spécialiste en littérature japonaise, m’a dit un jour qu’elle reprochait à certains romans de ce pays d’être trop évanescents. Et cette phrase m’est revenue à l’esprit en lisant ce « Jardin de printemps », qui correspond effectivement à cette description. C’est-à-dire que les personnages sont un peu difficiles à cerner, comme des apparitions dont les caractères sont juste esquissés. L’intrigue est également « évanescente », le déroulement des événements n’obéit pas à une logique très stricte et il a un aspect légèrement décousu, comme si l’écrivaine avançait au hasard, au gré de l’inspiration et sans plan précis.
Cela a un certain charme et ce n’est pas déplaisant. Il y a même des passages très poétiques, vraiment agréables à lire.
Malgré tout, j’ai eu un peu de mal à m’immerger dans cette histoire ou à me sentir concernée. Ca me semblait trop loin de moi, je suis restée en dehors. Peut-être à cause de cette évanescence dont je parlais, de ce manque d’aspérité ou de consistance, mon attention glissait parfois sur certaines pages sans trouver quelque chose à quoi me raccrocher.
Il est possible aussi qu’un excès de considérations immobilières et décoratives (descriptions architecturales, urbaines, et matérielles en général) m’aient un petit peu lassée et que j’aurais préféré une plus grande place accordée aux personnages et une plus petite pour les bâtiments. Mais j’ai bien compris que c’était là le parti pris de l’écrivaine, dans une recherche esthétique insolite et innovante.
Une lecture qui ne m’a pas déplu, mais qui ne m’a pas non plus emballée.
Un Extrait page 71
Vers la mi-juin, le temps devint pluvieux, même s’il ne pleuvait pas énormément. Le ciel restait très bas, sans discontinuer.
Les jours de pluie ou de temps gris sans un seul coin de ciel bleu, Tarô ne s’imagine pas marcher au-dessus des nuages. Imaginer qu’au-dessus des nuages il y a du ciel n’est pas dans ses capacités. Au-delà des nuages, ce n’est pas le bleu du ciel, ni même le noir sidéral, juste un espace transparent qui s’étend sans rien.
La première fois qu’il a voyagé en avion, il pleuvait, après le décollage l’avion a traversé une sorte de blanc qui ressemblait à de la neige carbonique puis est sorti des nuages. Le bleu du ciel l’a extrêmement surpris. Il s’est demandé s’il n’avait pas été transporté dans un autre monde que celui dans lequel il croyait exister et cela lui a fait peur. Mais il a regardé en bas à travers le hublot à double vitrage, et la surface, la luminosité intense, la grandeur et l’impression à couper le souffle des nuages étaient bien celles qu’il avait tant de fois imaginées. Comment se faisait-il que cette chose qu’il n’avait jamais vue lui soit connue avec une telle précision ? s’inquiéta-t-il. Il chercha longtemps quelqu’un qui marchait sur les nuages. Il ne vit personne. Entre les deux vitres du hublot, il y avait des cristaux de givre comme de la neige. (…)