Vous êtes jeune et vous portez un livre. Vous vous demandez ce qui vous arrive.
Essayez de ne pas trop penser à vos lecteurs car eux ne pensent pas à vous. Quand ils vous lisent, ils pensent à eux et non à vous. C’est normal.
Ne pensez qu’à votre livre en cours, c’est pour cela que vous êtes sur Terre. Le reste vous enquiquine, l’engagement, la politique, le bénévolat, l’économie, le sport, toutes ces salades. Ne pensez qu’à votre livre. S’il n’a pas de lecteurs ou très peu, ce n’est pas grave. S’il n’a pas d’éditeur, c’est peut-être bon signe. De toute façon, il existe des machines qui peuvent le fabriquer en petites quantités, à la demande. Même s’il n’y a que dix demandes, c’est fabuleux.
Ne pensez pas au succès et à la reconnaissance sociale, ces sucreries qui sont des poisons lents pour vous et votre livre. Méfiez-vous des sorties entre potes, votre livre en souffre. Ne cherchez pas à être aimé ou compris pour votre livre, c’est déjà bien assez compliqué en amour et en amitié, laissez votre livre en dehors de tout cela.
Votre livre est sinueux, pas vous. Votre livre c’est comme le tram, ne le laissez pas partir sans vous. Rêvassez, flemmardez et glandez tant que vous voulez mais dès qu’il s’agit de votre livre, arrêtez. Ne soyez pas sociable c’est-à-dire distrait, partez direct en ligne droite jusqu’à la fin.
Allez droit au but, ne perdez pas de temps à écrire sur les autres (bien qu’une exception pour les amis, si vous en avez, soit possible), ils ne vous en sauront pas gré. Laissez les hommages aux nécrologues et autres stratèges. Ne soyez pas journaliste.
Votre but est un signe de ponctuation : le point final.
Après, il faudra tout relire, corriger, peut-être modifier, peut-être tout réécrire, peut-être tout jeter puis recommencer une autre traversée jusqu’à un autre point final et ainsi de suite en direction du dernier point final, celui que vous n’aurez pas le temps de poser.
Le point final, vous dis-je, rien que le point final.