Comment apprendre à s’aimer de Yukiko Motoya

Par Etcetera
Couverture du roman

J’avais déjà lu un roman de cette écrivaine japonaise, intitulé « Mariage contre nature », et comme je l’avais beaucoup aimé, j’ai eu envie de découvrir un autre de ses livres.
Celui-ci « Comment apprendre à s’aimer », qui date de 2016, me faisait un peu peur, avec son titre digne d’un mauvais magazine de mode, mais j’ai néanmoins décidé de passer outre et de tenter l’expérience.
Présentation de l’autrice :

Yukiko Motoya (née en 1979) est une dramaturge et romancière japonaise. Depuis les années 2010, elle a remporté de nombreuses distinctions littéraires dans son pays, comme le célèbre et très prestigieux Prix Akutagawa en 2016 pour « Mariage contre nature » et, en 2014, le Prix Mishima pour « Comment apprendre à s’aimer« .

Quatrième de Couverture :

Il existe sans doute quelqu’un de mieux, c’est juste que nous ne l’avons pas encore rencontré. La personne avec laquelle nous partagerons réellement l’envie d’être ensemble, du fond du cœur, existe forcément. Je crois que nous devons continuer à chercher, sans nous décourager.
Au fil de ses apprentissages, de ses déceptions et de ses joies, Linde – femme imparfaite, on voudrait dire normale – découvre le fossé qui nous sépare irrémédiablement d’autrui et se heurte aux illusions d’un bonheur idéal.
Elle a 16 ans, puis 28, 34, 47, 3 et enfin 63 ans ; autant de moments qui invitent le lecteur à repenser l’ordinaire, et le guident sur le chemin d’une vie plus légère, à travers les formes et les gestes du bonheur : faire griller du lard, respirer l’odeur du thé fumé ou porter un gilet à grosses mailles. Car le bonheur peut s’apprendre et « pour quelqu’un qui avait raté sa vie, il lui semblait qu’elle ne s’en sortait pas trop mal. »

Mon humble Avis :

J’ai trouvé que l’idée directrice du livre, à savoir de nous montrer une femme à différents âges de sa vie, était une très bonne idée, mais il m’a semblé que l’autrice aurait pu en tirer un meilleur parti et je n’ai pas toujours été convaincue par les péripéties où s’engageait l’héroïne. J’ai par exemple bien aimé le premier chapitre, sur l’adolescence et la confiance en soi mal assurée, tout comme j’ai apprécié les deux chapitres suivants sur la description des problèmes de couple et la manière dont des petites broutilles de la vie quotidienne peuvent dégénérer en graves disputes, avec les caractères de chacun qui sont brutalement révélés.
Mais les chapitres des 47 et 63 ans ne m’ont pas vraiment plu, car on sent que l’autrice n’a pas encore atteint ces âges respectables et qu’elle projette sur ces âges mûrs des espérances et des fantasmes de jeune femme. Ainsi, elle prête à cette dame sexagénaire des rêveries romantiques au sujet d’un livreur qu’elle n’a jamais vu et auquel elle n’arrête pas de téléphoner avec émotion, ce qui est à la limite du comique et de l’incroyable.
Je n’ai pas vu non plus ce que rajoutait à cette histoire le chapitre des 3 ans, ni ce que l’autrice souhaitait nous prouver par cette scène. Peut-être y a-t-il là un traumatisme (léger) qui explique le caractère ultérieur de l’héroïne, mais ce n’est pas très clair dans mon esprit (ni dans le roman).
Un autre défaut qui m’a dérangée dans ce livre, c’est la trop grande place accordée à la vie matérielle : ainsi, des considérations sur un fer à repasser, d’autres sur un cocktail trop sucré et sur les pailles utilisées pour le boire, d’autres sur le jeu de bowling, ou encore sur une guirlande lumineuse de Noël de quinze mètres de long, etc. Cela donne lieu à pas mal de longues digressions et à des conversations futiles et prosaïques entre les personnages, qui m’ont ennuyée et agacée.
Au final, je garderai de ce roman un souvenir très mitigé et je conseillerai de lire plutôt « Mariage contre nature » de la même autrice, qui est bien meilleur !

Un Extrait page 48 :

Linde se releva, comme si elle arrachait de la moquette son genou posé à terre. « Dans ce cas, pourquoi, à ce moment-là, ne t’es-tu pas proposé plus tôt ? Alors que tu parles l’anglais et pas moi, comme tu le sais parfaitement ! »
Il la regarda d’un air éberlué. Puis il fronça les sourcils avec un regard blessé. Cela signifiait qu’elle parlait trop fort, qu’elle était trop émotive. C’était toujours ainsi, muettement, qu’il l’amenait à comprendre d’elle-même ce qu’il pensait. Soudain, un ras-le-bol total faillit la gagner.
« C’était un test, hein, tu voulais voir si j’allais téléphoner moi-même à la réception. Tu voulais savoir si je me servais de toi comme d’un homme à tout faire. C’est dingue. Pourquoi prends-tu toujours tout mal ? A l’étranger, se reposer sur son compagnon, c’est pourtant parfaitement normal ! »
Il lui coupa calmement la parole. « On y croirait presque, mais c’est vraiment n’importe quoi.
– Pourquoi ? Qu’est-ce qui cloche chez moi ?
Linde, pour tenter à tout prix d’empêcher sa voix de monter dans les aigus, prit plusieurs inspirations profondes.
« Tout ce que je vois, c’est que tu brailles sur quelqu’un qui a été gentil avec toi, pour lui reprocher de ne pas avoir fait preuve d’encore plus de gentillesse » ,dit-il. (…)