Son épée d’académicien lui avait été remise la veille comme le veut la coutume, chez son éditeur français Gallimard. Elle est l’oeuvre d’Antonio Arellano, forgeron d'épées au parc du Puy du Fou Espana à Tolède, elle a demandé plus de deux mois de travail. C’est une lame d’acier au carbone forgée à la main, la poignée est en fer et porte les initiales de Mario Vargas Llosa inscrites sur les deux faces. Le pommeau est en bois de chêne recouvert de trois fils de laiton, fer et cuivre, avec des incrustations gravées à l'eau forte.
Une semaine avant, le jeudi 2 février à 16h, ses deux parrains Florence Delay et Amin Maalouf l’avaient installé pour sa première séance à l’Académie, à une place qui sera toujours la sienne. On lui a donné le jeton de présence frappé de la devise "À l’Immortalité" gravé à son nom. Un mot du Dictionnaire lui a été attribué et il a été invité à se prononcer sur la définition proposée.
La cérémonie du 9 février annoncée par des roulements de tambours s'est déroulée devant une assistance nombreuse où on remarquait les enfants de l’écrivain, ses petits-enfants et son ex-femme, Manuel Valls et sa flamboyante épouse, la milliardaire Susana Gallardo Torrededia, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, Erik Orsenna et Jean-Claude Trichet, ancien gouverneur de la Banque de France. On pouvait aussi voir Juan Carlos, roi émérite d’Espagne, accueilli par Xavier Darcos et Hélène Carrère d'Encausse, à côté de sa fille cadette, l’infante Cristina de Borbón y Gracia. Il était venu de sa retraite des Émirats arabes unis où il vit depuis 2020. "Il a toujours été très affectueux avec moi. Lors de réceptions, d’événements officiels… Alors j’ai pensé que, comme il est dans le creux de la vague, tout à coup cette invitation était bonne pour lui" déclare le nouvel académicien. En 2011, au temps de sa splendeur, le monarque espagnol l’avait fait marquis de Vargas Llosa. Celui-ci naturalisé espagnol en 1993, croule d’ailleurs sous les honneurs de toutes sortes, officier de la Légion d’honneur, commandeur des Arts et des Lettres, grand-croix de l’ordre El Sol del Perú et de l’insigne de l’ordre Águila Azteca du Mexique. Il a obtenu les prix littéraires les plus prestigieux du monde hispanique, Rómulo Gallegos au Venezuela, Príncipe de Asturias, Planeta et Cervantes en Espagne. Sans oublier le prix Nobel qu'il a reçu en 2010 pour l’ensemble de son oeuvre, plus de vingt romans, une vingtaine de pièces de théâtre et autant d'essais. Il est titulaire d’une vingtaine de doctorats honoris causa du monde entier, son oeuvre est traduite dans plus de soixante langues et il est devenu membre de l'Académie péruvienne de la langue en 1977 et de l'Académie royale espagnole en 1994. Et maintenant de l’Académie française où il a été élu le 25 novembre 2021 au fauteuil 18 laissé vacant par le décès de Michel Serres le 1er juin 2019. Fauteuil qui faut aussi celui entre autres d’Alexis de Tocqueville, Henri Lacordaire, Ferdinand Foch, André François-Poncet, Edgar Faure et même Philippe Pétain qui en fut exclu en 1945.
Cette élection n’a pas fait l’unanimité. Il est en effet le premier auteur à être élu à l'Académie sans avoir publié un seul ouvrage en français, même s’il est parfaitement francophone depuis son séjour à Paris en 1959. En outre, à la date de son élection il avait déjà 85 ans et dépassait donc de 10 ans l’âge limite. Mais il fut élu avec 18 voix pour lui, et une seule pour un concurrent Frédéric Vignale, un blanc, deux nuls et il faut ajouter qu’il a été le premier auteur étranger à entrer de son vivant dans la prestigieuse collection de la Pléiade et qu'il avait obtenu le prix Nobel. Voilà qui pourrait faire cesser toute polémique. Cependant des voix s’élèvent qui lui reprochent ses opinions conservatrices et le soutien qu’il apporte à des hommes politiques de droite en Amérique latine.
Au cours de la cérémonie, Mario Vargas Llosa a prononcé le traditionnel discours consacré à l’éloge du prédécesseur, en français, revu avec son fidèle traducteur l’hispaniste Albert Bensoussan. Il a rappelé quelle place prépondérante avait tenu le français dans le monde intellectuel y compris dans son Pérou natal. Il fait l'éloge de la littérature française citant Victor Hugo, Emile Zola ou encore Jean-Paul Sartre et surtout Gustave Flaubert qu’il considère comme son maître, depuis qu’il a acheté un exemplaire de Madame Bovary le soir même de son arrivée à Paris. Il souligne que sans Flaubert, il n’aurait jamais été l’écrivain qu’il est devenu. Il fait même cette étonnante confession "J’ai débarqué ici, en 1959, et j’ai découvert que les Français avaient découvert la littérature latino-américaine avant moi. Ils lisaient Jorge Luis Borges, Octavio Paz, Gabriel García Márquez… C’est donc grâce à la France que j’ai découvert l’autre visage de l’Amérique latine, les problèmes communs à tous ces pays, l’horrible héritage des putschs militaires, le sous-développement, les guérillas, et les rêves de libération. C’est donc en France – quel paradoxe ! – que j’ai commencé à me sentir un écrivain péruvien et latino-américain". Le discours s’est prolongé avec l’éloge de son prédécesseur, Michel Serres rappelant "qu'il était, tout à la fois, un humaniste qui connaissait les sciences appelées "froides" et un scientifique qui évoluait avec aisance dans les humanités". Dans sa chaleureuse réponse ponctuée de "mon cher Vargas LLosa", Daniel Rondeau est longuement revenu sur la carrière du nouvel académicien et son oeuvre immense.
.
Rédaction internationale En savoir plus sur cet auteur
Dernier week-end des vacances. C’est la rentrée et nous nous l’affrontons tous en traînant nos galoches, ne sachant pas trop de quoi elle sera faite. Il y a un an, nous avions encore l’espoir que les problèmes et autres difficultés liés au Covid-19...
LES BRÈVES