Critique de Albert et Charlie, d’Olivier Dutaillis, vu le 20 janvier 2023 au Théâtre Montparnasse
Avec Daniel Russo, Jean-Pierre Lorit, et Elisa Benizio, mis en scène par Christophe Lidon
Je le sais. Je le sais, qu’il ne faut pas que j’aille voir ce genre de spectacle, parce que après quelques années en tant que spectatrice, je pense arriver à cerner à peu près une pièce grâce à son affiche et son résumé, et, même si parfois il m’arrive de me tromper, je vise dans le mille quand même 90% du temps. Mais voilà, j’aime beaucoup Daniel Russo, j’aime beaucoup le Théâtre Montparnasse, alors je continue d’y croire. Mais je me soigne, je me soigne…
Albert et Charlie, comme son nom l’indique presque, c’est Albert Einstein et Charlie Chaplin. Vous connaissez peut-être la célèbre photo de leur rencontre lors de la première des Lumières de la ville en 1931, et la citation qui va avec (dont l’origine reste douteuse) : « Ce que j’admire le plus dans votre art, dit Albert Einstein c’est son universalité. Vous ne dites pas un mot, et pourtant… le monde entier vous comprend. – C’est vrai, réplique Chaplin. Mais votre gloire est plus grande encore : le monde entier vous admire, alors que personne ne vous comprend. » On a du mal à croire qu’ils ont véritablement eu cet échange. Mais encore, je pourrais y croire. En revanche, l’échange inventé par Olivier Dutaillis, vraiment, c’est non.
Il faut se figurer trois personnages. Les deux premiers sont donc l’incarnation de nos génies… sans le génie. Et oui, c’est un simple mortel qui écrit l’échange, et ça se sent : les sujets sont amenés avec de grosses ficelles (« J’ai une idée de film en rapport avec l’actualité » – ou encore, au sujet de la bombe atomique : « Ça ne vous pose pas de problème, Albert ? »), les débats sont très binaires et très thématiques (Hitler, la bombe, le maccarthysme), parfois creux (on parle des chaussettes d’Einstein, si, si). Et pour égayer un peu tout ça, on ajoute un personnage féminin – dont l’existence, je dois le dire, m’a complètement déprimée : la gouvernante de Einstein, personnage au fort accent germanique, pendant supposé comique du spectacle (comprendre : lourd) qui le materne au possible et semble surtout dessiné pour interrompre des dialogues qui sinon risqueraient de s’enliser dans le rien.
Alors se pose la question : pourquoi monter cet échange ? C’est un mystère pour moi. On ne touche pas du bout de l’ongle la moindre once de génie de l’un ou de l’autre, mais même si on avait appelé ça « Conversation entre un scientifique et un artiste », au-delà de la virtuosité présumée de l’un ou de l’autre personnage, ça ne tient pas vraiment debout – et surtout ça manque cruellement d’intérêt. On est quelque part au milieu du néant. Et même les deux comédiens de talent qui incarnent nos personnages ne peuvent s’en sortir. D’ailleurs, le soir où on y était, on avait presque l’impression qu’eux non plus n’y croyaient pas.
Ça commence à être un running gag avec les créations du Théâtre Montparnasse. Espérons que la prochaine sera la bonne !
© Fabienne Rappeneau