j'écrivais un billet de blog sous l’œil dubitatif du petit
Le contact s'est fait le jour où je lui ai proposé de choisir mon numéro pour la tombola, en décembre dernier. C'est une employée de l'épicerie en bas de chez nous. Pour 2€, je participais au tirage au sort qui me désignerait peut-être comme l'heureux gagnant du panier garni de douceurs, fruits, légumes, vins spiritueux.
— Quel numéro souhaitez-vous ?
— La date de votre anniversaire.
Depuis, on papote. Elle se plaint du vent glacial qui traverse l'échoppe de part en part, de son mal de dos. Jamais avec vindicte. Toujours avec douceur, c'est comme ça, et des questions banales qu'elle m'adresse penaude mais sincère, humaine.
Alors qu'elle pose mes clémentines sur la balance, son téléphone sonne. Elle écourte l'appel mais j'entends le "je t'aime" qu'elle offre en guise d'au revoir à la personne au bout du fil. Toute fondante, elle s'excuse presque :
— C'est mon fils. Je n'ai que lui. C'est ma vie. Vous avez des enfants ?
— J'ai un chien.
— Et votre copine ?
— Mon copain ? Non plus. On a choisi de ne pas perpétuer la race humaine.
Elle rit.
Au détour d'une plaisanterie, j'apprends qu'elle est corse.
— Comme vos clémentines.
Nous continuons d'échanger. À propos de la barbe de hipster de son fils, de sa belle-fille jolie comme un cœur, de l'hôtel 5 étoiles qu'ils tiennent sur l'île de beauté, de la grasse matinée qu'elle attend avec impatience. Je pense à Florence, ma pharmacienne, qui de sa voix flûtée, évoque son séjour à Bordeaux, qu'elle découvre, merveilleuse. Je pense à Amélia, la vendeuse de chez Weldom, toute fière de la parution dans la presse du billet qui l'évoquait 👈 Je pense que je n'ai pas gagné à la tombola. Je pense malgré tout que je suis riche des rencontres, des conversations, des sourires, même furtives, même légères, même timides.