A Dijon, dans le parc de La Chartreuse (non loin du Puits de Moïse), à L’Hostellerie, espace d’art et d’expos, n’hésitez pas: Exposition de Jacques Braunstein « Anamnèse ». Jusqu’au 7 mai. 14-17h30. Fermé lundi et mardi.
J’en connais, des visiteurs, qui, à peine entrés dans cette expo, feront demi-tour et quitteront les lieux. Ils vous diront « Terrifiant! Trop violent! Morbide! » Peut-être même ajouteront-ils « Ce n’est pas de l’art…! »
Bien dommage.
Oui, cette exposition fait mal. Elle nous poignarde. Mais quelle force dans cette expression artistique…!
Je ne sais pas si Jacques Braunstein a créé cette oeuvre immense (l’expo n’en montre qu’une partie) pour rendre hommage, ou pour éviter d’oublier, pour garder une mémoire, pour témoigner, pour faire savoir et transmettre (ou tout cela à la fois) Mais ce que je sais, c’est qu’il est honnête… et artiste. Contrairement à certains qui, dans le même registre, ne cherchent qu’à provoquer et faire de l’effet.
Sa famille a été victime de l’extermination des juifs par le nazisme. Il était alors petit garçon. Toute sa vie il a porté en lui ce grand trou noir de douleur, d’absence et de silence. Qu’en faire? Il a vécu avec. Mais l’artiste qu’il était avait à faire plus encore…
Et Jacques Braunstein a imaginé un geste artistique pour, en quelque sorte, donner de lui-même, s’investir, agir, « faire » en mémoire de ceux qui ont succombé à la barbarie: il a noué des milliers de ficelles (dans un ordre et avec des dimensions précis). Cela fait penser à une performance. Les petits nœuds, le long des fils, égrainent les 6 millions de morts de la Shoah, comme sur un chapelet géant. Geste répétitif. Comme une prière. Et ces cordelettes se retrouvent partout dans son œuvre. Elles s’enroulent autour des ribambelles de mini-momies que l’artiste a réalisées ou elles s’éjectent d’une tête de mort etc… Il a continué inlassablement à faire des nœuds, jusqu’à la fin de sa vie, dans une démarche proche de la sorcellerie.
Accumuler, compter, multiplier, c’est le leitmotiv de cette exposition de Jacques Braunstein. Les petits nœuds sur les ficelles rappellent le quipu inca (système de comptage avec nœuds), les collections de cailloux ramassés et peints, les séries de poupées de toutes tailles entourées de bandelettes et ficelées, tout est réflexion sur le monstrueux génocide des nazis. Des images obsédantes. Je n’ose dire, cependant, que se dégage une vraie beauté de cet ensemble présenté à l’Hostellerie…
La mort est présente tout au long de ce parcours des salles de l’Hostellerie, mais surtout l’insoutenable idée de martyre, dans l’humiliation et la souffrance. Des clous enfoncés dans des corps…vous en verrez de nombreux: et voilà le côté sorcellerie et magie noire qui remonte à la surface.
En visitant cette exposition, j’ai bien sûr évoqué Boltanski. Lui aussi hanté par la Shoah. Leur travail de mémoire, à lui et à J. Braunstein, se situe dans la même veine et la même puissance d’évocation. Même si c’est traité différemment.
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