C'est chez Chrétien de Troyes que Claude Favre trouve son titre, car " ceux qui vont par les étranges terres " sont sans doute de tous les temps, cherchant " les étranges aventures ". Elle énumère : " les disparus, errants, perdus, les poursuivis, les contrôlés, aimant, les ombres et les enfants de Deligny. Ceux du bord, boue de l'eau. Les vagabonds, aimant. Déserteurs de clans. Fouteurs de vie en l'air. Qui s'arrachent. Arrachent. À tout bout de champ. Rayés de la carte. Mais les vrais noms ne sont pas sur les cartes ".
Ces mots nous mettent immédiatement dedans : les enfants de Deligny tracent leurs erres sur des terres, loin des documents administratifs. Les pays ne se limitent pas : à tout bout de champ, on s'arrache, on arrache. Et les cartes, les papiers ne portent pas les vrais noms. Qu'est-ce qu'un nom ? écrivait Shakespeare. On lit ailleurs, et notamment dans les textes de Marie Cosnay, qu'il est important de retrouver les noms de ceux qui meurent noyés, ou sur une voie de chemin de fer. Les vrais noms pour répondre aux familles, aux ami.e.s qui les cherchent. " Donner un nom est un champ de fouilles ". Les pays, les villes, les routes, les enfants.
" Qui possède une langue n'a pas besoin de frontières ". Les mots de Claude Favre accrochent un peu, ont parfois du mal à passer, mais passent. Passent les frontières, valises éventrées, noms de l'exil, et ceux qu'on ne voit pas, qu'on ne sait pas voir, dans ces mots nous sont adressés. Ils viennent de loin, et pourtant si proches. " Donnent d'autres noms à l'oubli ". Ils viennent de tant d'histoires. Il y a aussi des chevaux et des papillons.
" Imagine. Il existerait un peuple sans origines, sans mythes d'origine. Un peuple vaguant. Qui rêve. Ne se rêve peuple mais rencontres d'hommes conversant. "