6 novembre 2022- 4 mars 2023
La Maëlle Galerie qui s’est consacrée depuis dix ans à défendre le travail sculptural et les dessins d’Ernest Breleur, présente pour la première fois des œuvres picturales de l’artiste avec la série Mythologie de la lune, initialement conçue et réalisée en 1989. Des croquis préparatoires d’époque, retrouvés et jamais exécutés, ont inspiré cette nouvelle série inédite réalisée trente- trois ans plus tard.
Ernest Breleur a bien voulu évoquer ce retour à la peinture et les raisons de ses ruptures artistiques successives dans la quête sans fin de sa singularité d’artiste contemporain caribéen.
« Je n’ai jamais durant ma démarche artistique envisagé une situation confortable qui consisterait à trouver dans mes réalisations un aboutissement. J’ai toujours considéré le travail pictural comme le moyen essentiel de comprendre la peinture, de l’interroger et tenter continuellement de la subvertir. C’est ainsi que j’ai toujours considéré ma pratique comme une critique permanente de tous mes surgissements picturaux offerts aux yeux du monde. C’est ce qui justifie les « ruptures » incessantes qui se sont manifestées pendant toute la période où j’ai exercé l’acte de peindre. (…)
Chacune des périodes m’a enseigné ce que je ne savais pas de la peinture. Chacune m’a confronté au doute, ce doute si nécessaire. Chacune a étranglé ce qui me restait comme certitude. Chaque œuvre, mais aussi chacune de mes décisions concernant la peinture m’indiquait que l’exploration picturale était sans fin, que la diversité des possibles était extraordinairement vaste, et qu’en définitive l’œuvre restait et reste toujours à faire.
Ernest Breleur
Mythologie de la lune
1989
Ernest Breleur, Mythologie de la lune 2022
Courtesy Maelle Galerie-Photographie Jean- Philippe Breleur
Toutes les oeuvres de gauche appartiennent la série Mythologie de la lune 1989
Toutes les oeuvres de droite appartiennent à la série Mythologie de la lune 2022
Courtesy Maelle Galerie- crédits photo Jean- Philippe Breleur en 2022
Cette nouvelle exposition à Romainville présente la déclinaison actuelle d’une série peinte il y a plus de trente ans. Pourquoi avoir repris cette série ?
J’ai repris cette série sous l’impulsion de ma galerie qui souhaitait absolument exposer des œuvres de la Mythologie de la lune. J’ai toujours eu la hantise de pratiquer la peinture d’une manière qui corresponde à mon époque. La peinture a beaucoup évolué depuis trente- trois ans et surtout ma vision de la peinture a changé. Je crois avoir gagné en sobriété et en efficacité gestuelle pour aller vers un essentiel que réclame l’œuvre.
Toutes les toiles de l’exposition sont nouvelles à l’exception d’une seule qui représente une meute de chiens qui s’opposent à la lune avec des aboiements rageurs. Cette peinture a été modifiée dans la partie du bas, avec notamment le personnage allongé et mort
Il a donc fallu donc assumer picturalement ces nouvelles œuvres. La seconde version du remix de la célèbre Danse d’Henri Matisse, ode à la vie, à la joie, et à l’abandon physique rend perceptible ma nouvelle vision. La sobriété, la simplicité ont trouvé une raison d’être au centre de mes préoccupations nouvelles. Les personnages sont davantage en flottaison, le sol s’est dérobé sous leurs pieds. Tout cela m’a semblé important. Le sentiment d’une énigme est ressenti davantage et éprouve plus fortement le regardeur. La part d’ombre, d’opacité ouvrent à d’avantage de questionnements.
Ernest Breleur
Mythologie de la lune
1989
Ernest Breleur Mythologie de la lune, 2022
" data-orig-size="707,933" sizes="(max-width: 707px) 100vw, 707px" data-image-title="Mythologie de la lune, 2022, acrylique sur toile, 159×118 cm" data-orig-file="https://aicasc.files.wordpress.com/2023/02/mythologie-de-la-lune-2022-acrylique-sur-toile-159x118-cm.jpg" data-image-description="" data-image-meta="{"aperture":"0","credit":"","camera":"","caption":"","created_timestamp":"0","copyright":"","focal_length":"0","iso":"0","shutter_speed":"0","title":"","orientation":"0"}" data-id="25092" data-medium-file="https://aicasc.files.wordpress.com/2023/02/mythologie-de-la-lune-2022-acrylique-sur-toile-159x118-cm.jpg?w=227" data-permalink="https://aica-sc.net/?attachment_id=25092" alt="" srcset="https://aicasc.files.wordpress.com/2023/02/mythologie-de-la-lune-2022-acrylique-sur-toile-159x118-cm.jpg 707w, https://aicasc.files.wordpress.com/2023/02/mythologie-de-la-lune-2022-acrylique-sur-toile-159x118-cm.jpg?w=114 114w, https://aicasc.files.wordpress.com/2023/02/mythologie-de-la-lune-2022-acrylique-sur-toile-159x118-cm.jpg?w=227 227w" class="wp-image-25092" data-large-file="https://aicasc.files.wordpress.com/2023/02/mythologie-de-la-lune-2022-acrylique-sur-toile-159x118-cm.jpg?w=707" />Reprendre une série avec une nouvelle approche n’est pas une évidence. Durant ces trente-trois années, j’ai mûri, j’ai réfléchi. La nouvelle série une fois terminée, il y a eu une certaine angoisse à l’idée de l’exposer à Paris, surtout que je n’avais jamais montré mon œuvre picturale à Paris. Or Paris est l’une des grandes capitales de l’art contemporain et se pose, pour tous les artistes, la question de la réception de l’œuvre.
A mes yeux, un très bel accueil a été réservé aux œuvres que j’ai présentées. J’ai pu échanger longuement avec le public ce qui a entraîné un sentiment de réussite dans mon nouvel exercice pictural. Cette expérience parisienne me conduit à reconsidérer mon travail futur.
Ernest Breleur
Mythologie de la lune
1989
Ernest Breleur Mythologie de la lune 2022
Courtesy Maelle Galerie -Photographie Jean- Philippe Breleur
C’est toujours une quête impossible de la Lune ?
C’est toujours la quête impossible de la Lune pour ce qui est de l’apparence dans chacune des œuvres, mais dans cette série comme dans la précédente il y a une complexité à approcher, celle qui est masquée derrière le visible. C’est bien dans ce lieu opaque que se joue le sens profond de mes questionnements. Il n’y a pas de doute, je me pose la question du Divin, un impensable, un impossible et celle de son accessibilité. Il y a une réponse, la seule possible et formulable : quelque chose me dépasse, nous dépasse.
Il est donc question dans cette série de l’impossibilité de comprendre, de l’impossibilité de saisir et en même temps, de l’illusion parce que la Lune paraît toujours à portée de mains. Quand on prend une cordelette pour l’attraper c’est que l’on obéit à l’illusion de la proximité.
Je sais que tu as travaillé à partir d’anciens croquis. Qu’est-ce qui différencie la série de 1989 et la série de 2022 ?
La façon de peindre change… Tout ce qui entourait par exemple les personnages. Avant, il y avait beaucoup de cassures, beaucoup de brisures, de nombreux plans pour indiquer l’espace…Aujourd’hui j’assume une certaine frontalité pour signifier l’espace qui est du coup moins tourmenté. C’est une peinture qui est nettement moins expressionniste, plus sereine, comme si la question centrale du sens devait être affirmée davantage.
Ernest Breleur
Mythologie de la lune
1989
Ernest Breleur Mythologie de la lune 2022
Courtesy Maelle Galerie -Photographie Jean- Philippe Breleur
Des personnalités importantes sont passées et cette exposition déclenche certains projets : la Fondation OUDIN envisage un dialogue entre Thierry Cauwet et moi- même. PIASA envisage une vente aux enchères et la Tate Gallery semble intéressée et devrait rendre une visite à ma Galerie
Tout ça me convainc un peu de continuer encore à enrichir cette série
Merci, Ernest Breleur.
La Mythologie de la lune et la rupture avec le groupe Fwomajé marque pour Ernest Breleur la clôture d’une création programmatique autour de la quête identitaire et de la question de l’esthétique caribéenne. Son objectif est d’approcher, dans une expérimentation permanente, sa singularité d’artiste. Les séries suivantes, malgré des explorations formelles sans cesse renouvelées, révèle une constante thématique qu’une perspective rétroactive souligne. Une méditation métaphysique parcourt l’ensemble de l’œuvre d’Ernest Breleur, que ce soit la série des Christs, la Série blanche, les assemblages et installations radiographiques, les Paysages célestes, les dessins sur la genèse du vivant. Ernest Breleur s’interroge sur la vie et la mort, l’au- delà, l’origine de la vie. La réflexion se fait moins angoissée, plus apaisée à partir de la période consacrée aux dessins L’énigme du vivant et aux Paysages célestes.
Propos recueillis par Dominique Brebion