Je l'ai largement consommé, le consomme encore bouliquement, l'ai étudié, y ai travaillé, y ai été récompensé, m'en suis retiré, mais le cinéma n'est jamais sorti de ma personne.
MOI, CHRISTIANE F. 13 ANS, DROGUÉE, PROSTITUÉE d'Uli Edel
1982. J'ai 10 ans. Mais je ne vois ce film à sa sortie (sorti en 1981, en Europe). Je le vois 3 ou 4 ans plus tard. À l'âge de Christiane Felschrinow dans ce film. Natja Brunckhorst, la jeune actrice de 13 ans qui l'incarne, avait effectivement 13 ans, quand Uli Edel l'a engagée.
J'étais aussi un ado curieux...
Éventuellement, non. Assez vite, elle devient habile à s'en injecter. Et assez vite aussi, son corps pré-adolescent est offert aux plus offrants. Il est assez rare, que si jeune, vous soyez happée dans l'univers de la drogue et de la prostitution. Encore plus rare que vous le soyez sans être recrtutée par un pimp qui gère et facilite les abus. Le film dépeint la culture de la drogue de Berlin Ouest dans les années 70. On y voit des scènes terribles comme ce junkie qui passe par-deesus la palissade d'une toilette afin d'arracher du bras le seringue de Christaine pour s'en faire un fix pour lui. On voit aussi Christiane et son copain tentant de décrocher de leur dépendance, se vomir l'un sur l'autre dans le processus. On croise des cadavres comme on croiserait de mégots de cigarettes, et des visages d'une paleur de lait à la station zoo où les regards de certains jeunes sont vidés de tout espoir de futur. Sur l'ado que j'étais moi-même, l'impact était immense.
Le film, tourné en Allemand, a été doublé (assez mal) en anglais presque britannique et avec des expressions qui déjà, au début des années 80, étaient de 10 à 15 ans, plus vraiment d'usage ("groovy?" pour vrai? Cool n'aurait pas été mieux ?). Une version française est moins pire. Mieux encore. Une version allemande sous-titrée est toujours recommandée. Mais le (parfois triste) spectacle est d'abord pour les yeux.
La dérive et le noir réalisme joué par des jeunes qu'on ne connassait pas donnait aussi l'impression que tout ça était plus-que-vrai. La dérive est impressionnante.
Ce n'est pas un film de princesses.
Encore aujourd'hui, ce film sert de sérieux avertissements à ceux et celles qui seraient charmé(e)s par une telle envie de débauche.
Dont la source a fait un fascinant film. Presqu'halluciné.
Dont Trainspotting, Requiem For A Dream ou The Basketball Diaries sont d'évidents enfants.
Mais avec des faces qui te font comprendre tout de suite que tout ça, c'est aussi du cinéma.
Christiane F. était une plongée dans le triste vrai. Parce que ces faces-là, on ne les connaissait pas.
Mais on connaissait cet âge. Et les envies de cet âge.