Critique de Songe à la douceur d’après le roman de Clémentine Beauvais, vu le 21 décembre 2022 au Théâtre Paris-Villette
Avec Manika Auxire ou Lucie Brunet, Rachel Arditi, Elisa Erka ou Charlotte Avias, Valérian Béhar-Bonnet, Manuel Peskine, Benjamin Siksou, mis en scène par Justine Heynemann
On m’avait parlé de Songe à la douceur et de sa metteuse en scène Justine Heynemann il y a quelque temps déjà, probablement lorsqu’elle était en résidence au Théâtre 13. Comme souvent, l’agenda étant incompressible, je n’avais pu m’y rendre, mais c’était un titre qui m’était resté, je ne sais trop pourquoi. Me voilà donc quelques années plus tard rattrapant ce rendez-vous manqué ; après tout, une comédie musicale romantique, ça ne peut qu’être pour moi.
Songe à la douceur, c’est d’abord l’histoire d’une rencontre d’été. Tatiana a 14 ans, Eugène 17, ils se parlent, lui pour faire passer le temps, elle parce qu’il devient peu à peu le centre de son monde. Mais ça s’arrête là. Et puis, dix ans après, par hasard, et parce qu’après tout sinon il n’y a pas de spectacle, ils se retrouvent. Et on aimerait que ce soit simple, facile, évident et beau, mais la vie, ce n’est pas toujours comme ça.
J’écris cet article plus d’un mois après avoir vu le spectacle : les vacances sont passées dessus, le début d’année est bien rempli, mais je tiens absolument à laisser une trace de mon ressenti ici. Parce que j’ai passé un moment si léger et agréable, si doux, en vérité, que je m’en voudrais de l’oublier. L’exercice d’écrire après un petit moment est différent : ce qu’il m’en reste, c’est surtout une atmosphère, une ambiance, comme un souvenir evanescent qui me donne encore les poils. C’est un bien beau moment qui se rappelle à moi.
Qu’il est bien choisi, le titre de ce roman (car oui, c’est une adaptation). Je sais qu’il est emprunté à Baudelaire, mais quand même, il est simple, clair, et en totale adéquation avec ce qui nous est proposé à voir, à vivre, à ressentir, et c’est suffisamment rare pour être souligné.
Bien choisi donc, parce que j’ai eu la sensation d’être totalement imprégnée de cette douceur, ce soir-là. C’est un spectacle qui se prend comme un bon roman d’été, et c’est presque comme si on sentait les rayons de soleil sur notre peau. C’est légèrement kitsch, comme on aime, juste ce qu’il faut, un peu fantaisiste, mais très premier degré à la fois. C’est un mélange de l’adolescence qu’on a vécue et celle qu’on a rêvée, une reconstitution si juste de ce que peut représenter un amour de jeunesse. On l’a connu, ce changement de référentiel où tout tourne autour de l’être aimé, adoré même peut-être, et on a l’impression de le connaître à nouveau, ce soir-là.
Justine Heynemann a su trouver l’équilibre parfait : c’est un spectacle léger et drôle, et malgré tout empreint de cette urgence de vivre des émotions fortes. C’est une caresse qui a de la poigne. On sent l’enthousiasme qui vient avec l’adolescence, l’hyperactivité neuronale propre à cet âge où tout est possible et son contraire aussi (et on se demande d’ailleurs si on a nous-même quitté tout à fait cette période…). C’est un spectacle plein de rêves, de conditionnel, d’espoir, infiniment touchant dans ce qu’il raconte de ce moment de la vie que l’on a tous vécu.
Un spectacle plein de charme et une metteuse en scène à suivre ! Bingo.