Notre dernière part de ciel (El cielo que nos queda)
Auteur : Nicolás Ferraro
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Alexandra Carrasco et Georges Tyras
Éditions : Rivages (1 er Février 2023)
ISBN : 978-2-7436-5846-5
272 pages
Quatrième de couverture
Keegan et Zambrano, deux narcotrafiquants, se battent à bord d’un Cesna bourré de cocaïne qui finit par s'écraser. La cargaison se retrouve disséminée dans la campagne argentine. Survivants du crash, Keegan et le pilote sauvent une partie de la drogue et volent une voiture pour l'emporter. Mais ils savent que le reste va exciter les convoitises. Entre le gang qui veut récupérer son dû et les pauvres qui voient dans cette drogue une manne inespérée, une course poursuite s'engage.
Mon avis
Un avion, c’est fait pour voler d’un point à l’autre et se poser tranquillement…Oui, mais… Ce jour-là, à bord, éclate une terrible dispute assortie d’une fusillade. Le chargement s’échappe et l’avion finit par s’écraser. Deux survivants, deux ? Deux de trop ou pas assez … c’est selon… le côté où on regarde, où on se place ….
On est en Argentine, juste à la frontière entre le Brésil et le Paraguay. Les deux survivants doivent récupérer ce qu’ils ont perdu car leurs chefs ne laisseront rien passer. Mais les paquets ont été semés sur plusieurs kilomètres. Rien de simple pour retrouver les sacs, d’autant plus qu’il s’agit de cocaïne. Dans ce coin de pays où la pauvreté règne, c’est une aubaine pour certains, l’occasion de se faire un peu de fric mais à quel prix ? Une course poursuite va s’engager entre ceux qui espèrent échapper à une vie difficile et ceux qui veulent obtenir leur bien.
Avec une écriture ferme, nerveuse, l’auteur nous entraîne dans un récit musclé, vif où la violence suinte car certains n’ont que ce moyen pour se faire comprendre, faisant fi de toute discussion. Peu importe qu’on soit une femme, le but de ces malfrats c’est arriver à leurs fins. C’est une lecture terrible car le lecteur côtoie la misère, le quotidien ardu de ceux qui voient ces packs de coke comme une opportunité de s’en sortir. La terre est sèche, rien ne pousse, les récoltes sont maigres, l’eau manque, le dénuement est le lot de la plupart. Peut-on les blâmer de ramasser ce qui est tombé du ciel ? Peut-on les critiquer de vouloir fuir leur funeste destin ? Qui est-on pour juger, nous les nantis qui ne manquons de rien ? Oui, la violence est destructrice, elle ne devrait pas s’imposer comme unique réponse mais ce n’est pas possible. Pourquoi ? Parce que c’est trop dur, trop lourd de supporter la détresse quotidienne alors chacun se bat avec ses moyens.
Les criminels n’ont connu qu’une forme de dialogues : les coups, les tirs et ils ne savant plus échanger avec leurs pairs depuis longtemps…. Les habitants du cru, eux, ne connaissent plus le mot espoir, il ne fait pas partie de leur vocabulaire alors ils s’accrochent à cette idée que, peut-être, ils pourront monnayer quelque chose…
Nicolás Ferraro ne s’embarrasse pas de fioritures. Les faits sont là, bruts, pas de répit, ça flingue dans tous les sens. Pourtant, il y a de l’humanité dans le texte, une certaine forme de respect parfois. Quelques protagonistes ont « bon fond », comme on dit. Ce qui apparaissait comme un cadeau du ciel va se révéler comme étant totalement empoisonné. Pour autant, la plupart ne baissent pas les bras, ne trahissent pas, se battent jusqu’au bout. Sans doute pour garder une forme de dignité. Celle qui permet de rester debout.
« Je suis venu ici pour échapper aux flics, c’est vrai, mais aussi au type que j’étais en train de devenir. »
Cette phrase est significative, elle porte la volonté d’un des individus que l’on croise dans ce roman noir. Il veut rester un « type bien » malgré ses défauts, ses erreurs, ses failles. Il n’est pas le seul. C’est pour cela que « Notre dernière part de ciel » est un livre qui vaut le détour, pour toutes ces mini lueurs d’espoir entre les lignes, malgré la noirceur de l’ensemble. Et puis l’auteur est un petit nouveau (pour moi) et c’est avec grand plaisir que je l’ai découvert (merci aux deux traducteurs !).