Freddie Mac et Fannie Mae régurgitent la galimafrée libérale

Publié le 03 août 2008 par Frednetick

C’est bô comme un coucher de soleil sur une idéologie dépassée. L’ultime frémissement avant de voir s’écrouler le colosse. Le délicieux moment où, ne reculant plus devant ses propres contradictions, l’idéologue abjure ses convictions pour ne pas sombrer dans la réalité la plus crasse, et finir le nez dans le caniveau.

Oh bien sûr un peu de compassion ne ferait pas de mal mais après tout, goûtons notre bon plaisir.

L’idéologie honnie portait le nom de “Consensus de Washington”. Au milieu des années 80, John Williamson traduit en 10 principes ce qui deviendra le Consensus de Washington, sorte de table de la loi des préconisations du FMI en échange de l’attribution des aides aux pays en développement.

Au programme, ouverture du marchés des capitaux, déréglementation à tout va et privatisations. Sous l’égide des penseurs néo-libéraux US, c’est le monde entier qui bascule dans l’euphorie d’un monde meilleur, les pôvres se noyant dans l’argent qui coule à flots des poches ruisselantes des entrepreneurs.

Outre le très léger bug qui aboutit finalement à l’appauvrissement des populations concernées, il s’avère aujourd’hui que les traces de salissures atteignent les mocassins cirés de nos penseurs libéraux.

Allez, il faut bien l’admettre, des gens qui appuient toute leur construction intellectuelle sur l’idée - non empiriquement vérifiable - de la concurrence pure et parfaite, on pouvait se dire qu’à un moment, ils auraient du mal à justifier certaines choses. Un scientifique un peu censé qui écrit une théorie sans cesse désavouée par la réalité devrait nécessairement se dire, au bout du compte, qu’il existe la possibilité de début du commencement d’un doute raisonnable concernant la probabilité que sa théorie soit potentiellement un peu erronée.

Et bien non,  pas l’ombre d’un doute tant que l’argent coule à flot, que les banques commerciales placent des junk bond réassurés par des réhausseurs de crédits bidons bientôt plombés, que les DB9 sont rutilantes et les propriétés du Maine bien tondues.

Oui mais voilà. Quand deux monstres économiques - Freddie Mac et Fannie Mae pour ceux qui suivent - en arrivent à garantir 45 % de l’encours actuel des prêts immobiliers aux Etats-Unis, soit, accrochez vous bien et éloignez les enfants je mets tous les zéros, 5 300 000 000 000 de dollars, et que ces colosses tanguent dangereusement, qui vient-on appeler à la rescousse?

Capitain Flam avait une barmitzva et Albator une boom avec les silfides, alors à la fin y’avait plus que Zorro avec Bernardo, Ben Bernanke.

Pour rire, je ne peux m’empêcher de citer le Figaro du 6 mai dernier pour tenter d’expliquer le rôle de ces mastodontes afin que vous conceviez ce qui va arriver:

L’activité des deux entreprises consiste à racheter des crédits immobiliers aux banques qui les ont attribués. Une fois libérées de leurs créances, les banques peuvent de nouveau consentir de nouveaux prêts, soutenant ainsi l’activité du marché immobilier.

Dit autrement: Quand y’en a plus, y’en a encore.

Alors voilà le jeu. D’un côté Freddie Mac et Fannie Mae, 81 milliards de $ en banque pour assurer 5.300 milliards (ce qui ne fait jamais qu’une belle provision de 1.5% des sommes gagées). De l’autre la FED qui va leur ouvrir une ligne de crédit, sympa, et même leur faire une petite pipe un ptit prêt.

Rappelons aux étourdis que la FED a déjà engagé une opération “Sauvez Willy” en garantissant des créances douteuses et en reprenant des actifs de la Bear Stearns, et qu’elle accorde des prêts exceptionnels pour tenter de sauver les meubles, l’argenterie et le napperon en dentelle pour mettre sous le téléphone de mamie.

L’exubérante irrationalité des marchés ayant fait son office, le volume des prêts assurés par Mac/Mae avait été multiplié par 4 en dix ans. Mais comme la versatilité des marchés n’a d’égal que leur couardise, voilà t’y pas qu’à l’annonce des nuages noirs, tout le monde sort son parapluie et le wall street walk off se met en marche. Depuis le début de l’année Fannie et son pote Freddie ont perdu 85% de leur valeur, leurs capitaux propres sont donc aussi faméliques qu’une Kate Moss à 11H.

Et le meilleur reste pour la fin.

Si jamais ça va trop mal, “la nationalisation n’a rien d’effrayant“.1 .

Vous entendez bien. Le fait de nationaliser deux institutions censées représenter la toute force du marché à gérer l’économie, à allouer les ressources de façon optimale, n’a rien d’effrayant. Et le The Wall Street Journal d’en rajouter une couche en appelant l’Etat à injecter des fonds.Comme dirait Thierry Roland le 12 juillet 98, “après ça, on peut mourir tranquille”.

On imaginait un peu bêtement qu’il était question idéologie, de véritable croyance en la capacité du marché à créer de la richesse. En fait non, ce n’était qu’un bricolage un peu bancal pour couvrir l’avidité.

On s’en doutait, ça fait du bien de l’entendre de la bouche de ceux qui hier faisaient la leçon.

Edit: Vous pouvez consulter aussi ces deux articles sur le sujet:Fannie et Freddie prennent un coup de chaud chez Tropical bear et un coup d’épée sur le site de L’écho(be) On y apprend avec gourmandise - j’ai été vérifier dans le rapport annuel de la FED -que ladite institution FED a “en coffre” un peu plus de 900 milliards, soit 4 fois moins que l’encours des crédits possédés ou assurés par Freddie et Fannie..la grande cata quoi.


  1. Jan Hatzius, économiste en chef de Goldman Sachs [Retour]