Renaud Dutreil
Renaud Dutreil nous quitte. Quitte à passer pour un ingrat, je dois dire que la nouvelle me laisse de marbre, matériau qui ne manquera pas de paver les sols de son futur chez lui. Car voyez vous, avec vos yeux collés par le sable, M.Dutreil quitte la politique pour le monde des affaires. C’est donc dans le Monde qu’il choisit de nous faire partager son choix.
Cela n’a évidemment rien à voir avec le fait que M.Dutreil se soit fait torcher aux dernières municipales. Non, son dessein est plus grand et il en trace les grandes lignes pour le quotidien que l’on a connu plus inspiré dans ses publications. En fond de tableau donc la passion pour la République. Qu’il a dû souffrir le grand homme sous les ors de la République. Secrétaire d’Etat puis ministre, il ne se lasse pas de nous décrire le monde idyllique de la carrière politique, pardon, de la Politique avec un grand pet. Pédant jusqu’au bout de la plume, jusqu’au bout de sa carrière. Conseiller général, député, ministre, que voilà un beau parcours pour quelqu’un d’aussi détaché, aussi attaché à “l’ idéal, la soif d’action, la volonté de peser sur le cours des choses“.
Et il nous livre dans un souffle chaud de passion qui ferait passer le mistral pour une bise d’hiver, des choses magnifiques.
“Je me souviens des négociations avec les syndicats de fonctionnaires, bloquées jusqu’à l’absurde, et des fonctionnaires qui sur le terrain demandaient la réforme. Je me souviens des artisans, qui m’ont touché le coeur par leur goût du travail et leur amour du métier, des entrepreneurs français courageux et inventifs, qui ne demandaient qu’à être reconnus par la puissance publique comme des citoyens à part entière”
Car voyez vous français, les syndicats sont bloqués jusqu’à l’absurde et les entrepreneurs courageux. La force vive de la France, maltraitée jusqu’a n’être pas reconnue comme une citoyenne à part entière. Il est temps, grand temps de faire face au gros temps misérabiliste, d’affronter les vents contraires de l’immobilisme!!
Les plombiers véreux, les maçons indélicats, les garagistes retors, tous ces merveilleux artisans qui aiment leur pays et leur métier (lequel leur rend souvent la monnaie de leur pièce en euros trébuchants), ont touché renaud au plus profond de son petit coeur d’homme politique en guimauve.
Alors c’est avec une certaine idée de la France qu’il va la quitter pour la lointaine Amérique où il présidera la brache US de LVMH. C’est naturel, puisqu’il adore le champagne La Champagne. Les mains noueuses des vignerons il les a serré, les larmes gorgées de sucre il les a observé, les bulles pétillantes il les a aimé, jusqu’à plus soif.
Et pourtant, de cet amour inconditionnel il tourne la page. Il écrira d’autres pages (avec un mont-blanc de préférence), caressera avec nostalgie le papier épais de son contrat d’embauche en pensant combien les tapes dans le dos lui manqueront.
Et il saura donner à l’Entreprise le goût de revenir à l’essentiel, “l’être humain, sa motivation, sa foi, sa capacité à lutter et à innover”. Il fera en sorte que les Hommes et les Femmes de LVMH n’aient pas à souffrir des désordres du travail ou que les cadres supérieurs ne redoutent pas une fatigue trop prononcée.
Il aime l’Amérique, il veut l’avoir et il l’aura, elle et ses habitants, elle et son “espace de libertés, d’esprit d’entreprise et de nouvelles frontières“.
Mais c’est déjà le crépuscule d’une carrière et de ce post, il est l’heure de coucher les dernières phrases pour que le verbe ne reste pas vain.
“Rompant avec les habitudes de la vie politique française, j’aimerais montrer qu’il n’y a pas qu’une façon de servir son pays, après vingt ans de service républicain, et qu’un homme politique peut aussi être un homme d’entreprise”
Nous lui souhaitons donc bon vent, en priant le dieu CAC que son bateau ne s’abîme pas dans les abîmes de la bourse. En espérant de tout coeur qu’il ne croise pas les politiques au long court Bernard Tapie ou Jean Peyrelevade.