Vous le savez, la sécurité ça fait peur. Enfin, c’est principalement l’insécurité, les sauvageons violeurs de grand-mère (un cas récemment, ils avaient 12 ans, les hormones en feu et un goût pour les vieilles choses, des chineurs quoi), les empailleurs de flics membres d’une branche dissidente de la taxidermie classique, les caillasseurs de voiture soudoyés par Carlos G, les pyromanes addicts aux effluves de produits incendiaires.
Pour lutter contre ces malfaisants, une armée d’acronymes, la BAC, la DDSP, les CRS et autres imaginatives créations de l’esprit central. Ces gens bien sous tous rapports doivent trouver le repos du juste dans une bastide rassurante. La mode des châteaux forts ayant malheureusement passé l’arme de jet à gauche, c’est dans des commissariats de police que l’on peut apprécier ces magnifiques spécimens de la force tranquille et publique aussi.
Et c’est là que commence le chemin de croix des collectivités. Villiers le Bel par exemple, au hasard l’exemple hein, ne disposait pas de commissariat de police avant 2007. Car l’Etat n’a plus les moyens. Non qu’il ne souhaite pas donner de clos et de couverts pour garantir que les policiers puissent interroger en profondeur les travailleuses de la nuit ou qu’il faille se faire à l’adjonction d’eau de pluie dans le ptit jaune, mais les caisses sont vides.
Si vous voulez votre commissariat, va falloir banquer.
Admettons que vous souhaitiez tout de même vous lancer dans l’aventure, gosse vous rêviez d’entendre claquer le fouet comme Indiana. La poussière qui brûle vos paupières, la chaleur moite des cavernes peuplées d’araignées grosses comme des homards, rien de tel pour donner le goût du risque.
Bref, voilà qu’arrive la note, salée: 5 millions € HT de travaux. Coût global de l’opération avec la maitrise d’oeuvre et diverses petites babioles : 6.4 millions.
L’Etat, magnanime, vous accorde la maitrise d’ouvrage (c’est vous qui faites tout, les marchés de travaux, les consultations d’archi etc) et vous laisse le choix dans la date et des armes. Il vous octroie une subvention de 20% du montant des travaux, plus le FCTVA si vous lui mettez gratuitement à disposition un bô commissariat, royal, casino royale même!
Ou alors il vous verse un loyer qui couvre le montant de l’investissement, plus long mais censé rendre l’opération quasiment blanche.
Il faut dire que c’est vous qui allez contracter l’emprunt. 6.4 millions sur 20 ans à 5.5% ça vous donne quelque chose comme 9.5 millions €, une pacotille à côté des 67 millions que le maire de Biarritz veut mettre sur la table pour son ludo parc aquatique sur 30 ans.
Mais voilà, c’est ici que commence la poilade.
Tout d’abord vous avez d’un côté le SGAP (Secrétariat général pour l’administration de la police) chargé de gérer les constructions, et de l’autre le TPG (Trésorier payeur général) chargé de payer. Le premier est plutôt tenté par une location pure, prise sur des crédits de fonctionnement. Le second plutôt enclin à une LOA , une location avec option achat, prise sur des crédits d’investissement.
Or les crédits de fonctionnement y’en a pas, et les crédits d’investissement doivent faire l’objet d’une inscription en LOF. Bref, pas gagné.
Mais si l’on s’en tenait à cette pacotille financière ce serait presque trop facile. Car voyez vous, si le SGAP construit, la DDSP (direction départementale de la sécurité publique) utilise l’outil. Elle le souhaite donc confortable, adapté. Le SGAP lui préfère spartiate et peu cher.
Grenelle oblige, la question du HQE arrive bien vite sur la table, les bâtiments publics devant le plus rapidement possible devenir passifs. Entre surcoût de la construction et diminution des consommations, le SGAP, sans rire, c’est pas des rigolos, préfère du HQE que VOUS financez.
Pas de rallonge à la construction mais si ça coûte moins cher à l’exploitation, c’est pour la poche de l’Etat, elle est pas belle la vie, même loin de la Cannebière?
Avec des témoignages hallucinants de services de l’Etat différents s’agonisant en public sur les fonctionnalités dudit commissariat, tandis que, grand seigneur, vous sortez votre chéquier.
Dernier détail à même de provoquer des crampes abdominales, le loyer censé rembourser l’emprunt, est estimé dans le plan de financement par le SGAP, mais il est fixé en définitive par France Domaines, structure chargée de la gestion du patrimoine de l’Etat (et rattachée aux TPG), laquelle peut choisir de ne pas valider l’estimation, vous relançant dans la partie de flipper. D’ailleurs si vous avez quelques subsides à placer, FD vend actuellement un immeuble rue des Saint-Pères…Prix NC.
Et cerise sur le gâteau, le terrain d’assise que vous pourriez mettre à disposition (mais là, vraiment c’est de la gourmandise) est estimé par l’administration des domaines, qui n’a rien à voir avec France Domaine…
Je ne vous résume pas la situation, elle est claire comme un ciel pékinois.
Bref contre les voyous préférez une AK-47 d’occas, y’en a dans les quartiers, suffit de savoir où demander.