Magazine Culture

L’Enfant sauvage de François Truffaut

Par Etcetera

En ce mois de février je vous ai concocté un mois japonais (littéraire et poétique) et je pensais vous parler aujourd’hui d’un film de Kurosawa ou d’un autre classique nippon.
Mais les DVD des films que je cherchais étaient hors de prix, et je vous parlerai par conséquent d’un film sans rapport avec le Japon.
« L’Enfant sauvage » de Truffaut a été tourné en 1969, en noir et blanc.
Comme je l’ai vu il y a deux ou trois mois (au cinéma) je ne me souviens pas forcément du détail de chaque scène mais le souvenir reste cependant suffisamment clair pour que je me risque à écrire dessus. On verra bien…

L’Enfant sauvage de François TruffautVictor et le docteur Itard (Jean-Pierre Cargol et François Truffaut dans une scène du film)

Note pratique sur le film

Date de sortie en salle : février 1970
Noir et blanc
Durée : 1h23
Dans le rôle de l’enfant : Jean-Pierre Cargol
Dans le rôle du Docteur Itard : François Truffaut
Dans celui de Mme Guérin : Françoise Seigner

Résumé du début de l’histoire

Ce film est une adaptation de « Mémoires et rapport sur Victor de l’Aveyron« , écrit par le médecin Jean Itard (1774-1838) qui relate l’histoire vraie du jeune Victor, un enfant sauvage capturé en 1800 par des paysans aveyronnais.
Cet enfant est capturé en pleine nature par des paysans armés et accompagnés de chiens de chasse. L’enfant est nu, ne s’exprime que par des grognements, se déplace à quatre pattes et se nourrit seulement de racines, de glands ou de fruits sauvages. Comme il ne parle pas, les spécialistes qui l’examinent le jugent handicapé et le placent à l’institut des sourds-muets de Paris où le docteur Itard commence à s’occuper de son cas et à étudier ses capacités. Dans cet institut, l’enfant sauvage devient le souffre-douleur des autres pensionnaires et certains adultes qui le gardent profitent de sa vulnérabilité pour l’exhiber en public comme une bête de foire et s’enrichir à ses dépens. Devant le peu de progrès faits par l’enfant sauvage dans cet établissement, les médecins émettent l’idée qu’il est retardé mental et incapable du moindre apprentissage. Mais le docteur Itard n’est pas de cet avis et il décide de prendre l’enfant chez lui et de s’occuper de son éducation en tête à tête, lors de leçons particulières, intensives et quotidiennes.

Mon Avis

C’est un film basé sur le rapport médical du Docteur Itard et il a effectivement un côté scientifique puisque chaque nouvel apprentissage de l’enfant sauvage est prémédité, mis en oeuvre puis étudié par le médecin. D’ailleurs, je sais que certaines scènes de ce film peuvent être citées en exemple dans certains cours de psychologie actuels, à l’université, pour illustrer en particulier le débat entre l’inné et l’acquis. Grâce à l’exemple extraordinaire de Victor, qui a passé son enfance tout seul dans les bois sans aucun contact humain, on a pu mettre en évidence que certaines aptitudes (le langage, les émotions) ne peuvent pas se développer dans la solitude, que nous avons besoin de la présence d’autrui pour les acquérir. Ainsi, lorsque l’enfant sauvage arrive à l’institut des sourds-muets et qu’il est harcelé et maltraité par les autres enfants, les médecins remarquent qu’il ne pleure jamais. Et c’est seulement plus tard, lorsqu’il a été « apprivoisé » par Jean Itard et sa gouvernante que l’enfant commence à verser des larmes et parfois à sourire.
On peut remarquer un fort contraste entre les deux personnages centraux du film : le docteur Itard est un scientifique assez froid, un homme de raisonnement et de logique, qui applique chaque jour une pédagogie très stricte, austère, répétitive, et qui considère Victor à la fois comme un élève et comme un sujet d’étude scientifique, un spécimen d’expérimentation. A côté de cet adulte ultra-civilisé, à la pointe de la pédagogie de son époque, nous avons l’enfant sauvage, un être assez instinctif, qui réagit toujours avec spontanéité, qui se révolte parfois, et que l’on peut voir comme un personnage poétique. Mais les deux personnages antagonistes sont reliés aussi par une affection qui devient de plus en plus forte au fur et à mesure du film – une proximité presque filiale. Et on sait bien que, si le docteur Itard se montre parfois dur et intransigeant avec le pauvre Victor c’est pour le faire progresser, l’intégrer à la société des hommes et empêcher qu’il soit interné toute sa vie dans un asile, comme le préconisent certains de ses collègues, ce que Victor n’est pas en mesure de comprendre.
On peut aussi remarquer que cette histoire du sauvage de l’Aveyron s’était produite en 1800, à une époque très fortement marquée par le mythe de Rousseau « du bon sauvage », par l’amour de la nature et une certaine crainte de la société humaine, et il y a peut-être cette idée, que pose à un moment le docteur Itard et qui continue à planer tout au long du film dans l’esprit du spectateur : « Est-ce que Victor n’était pas plus heureux tout seul dans la forêt ? Est-ce qu’on a réellement eu raison de le sortir de là ? » Et c’est une question à laquelle la fin apporte une réponse émouvante et rassurante pour les humains civilisés que nous sommes.
Une autre chose que j’ai notée à propos de ce film : il a été tourné un an après la révolution estudiantine de mai 1968, une époque où l’on se posait beaucoup de questions sur les méthodes pédagogiques et les relations profs-élèves, où l’autorité des enseignants était fortement contestée et où l’on réclamait plus de liberté dans les enseignements, des réformes pour que la parole des étudiants et des lycéens soit prise en compte. J’ai pensé que l’attitude tantôt docile tantôt révoltée de l’enfant sauvage illustrait dans une certaine mesure ce désir moderne de liberté et d’expression de soi.
Un film vraiment magnifique et d’une richesse exceptionnelle, par ses thèmes et ses significations.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Etcetera 162 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines