Les grilles ou diagrammes – dessins pour la broderie – apparurent pour la première fois à Berlin, en Allemagne, au début du XIXème siècle. C’est pour cela que pendant longtemps, broder à points comptés avec de la laine ou de la soie, en utilisant un dessin pour s’orienter en comptant points et carrés s’appela « la broderie de Berlin ».
A cette époque, pour répondre à la demande d’une clientèle de plus en plus exigeante et avide de plus en plus de modèles inédits, certains commerçants décidèrent de vendre des dessins destinées à la broderie aux points comptés (point de croix, demi-point ou petit point, point de velours, etc). Cette invention facilita considérablement le report des couleurs sur le tissu. A part les points comptés, les brodeuses utilisaient également de la passementerie, des perles, des rubans, le tout dépendant de l’effet recherché.
Au début, le dessin était peint à la main sur papier quadrillé, chaque carré représentant un point ; il suffisait, pour exécuter le travail, de compter carrés et points. Les clientes préférèrent d’abord les petits motifs qu’on travaillait en soie, puis, vers 1830, la mode passa à des sujets plus grands, réalisés en laine sur canevas : bouquets, oiseaux, temples grecs, autels, ou encore copies de toiles célèbres. Les premiers modèles furent édités sous forme de cahiers, mais on s’aperçut rapidement qu’ils se vendaient plus facilement en feuilles séparés. Le prix variait selon la taille des patrons, le nombre de points et couleurs ; on pouvait aussi les louer pour une somme modique. On en trouvait chez les éditeurs, les libraires et les marchands de tableaux ainsi que chez les détaillants, où l’on pouvait également se procurer le matériel nécessaire à la réalisation des ouvrages.
Toute l’Europe s’adonna bientôt à la broderie de laine et la fabrication des modèles connut un véritable essor, soutenue par une exportation de plus en plus importante vers l’Amérique du Nord. Berlin devint rapidement le symbole de cette production et les notions de laine et de broderie de Berlin firent leur apparition. La création de diagrammes atteignit son apogée entre 1840 et 1850 (pour la seule année 1840, on dénombre quatorze mille dessins différents !), mais la demande diminua à partir de 1860. Les fabricants subirent la concurrence de plus en plus active des journaux de mode qui commençaient alors à publier des modèles pour leurs lectrices. Puis, d’autres pays commencèrent à produire eux-mêmes leur dessin, inspirés d’histoires et de motifs traditionnels de chaque région. La broderie de Berlin perdit ainsi son importance et aujourd’hui, chaque région dans le monde produit ses propres dessins, issus d’expérience personnelle et de symboles et couleurs spécifiques.
Source : « Autour du Fil, l’encyclodépedie des arts textiles », Editions Fogtdal, Paris, 1988, volume 3.