Elle est requise pour apprendre, jouer d’un instrument ou remporter une compétition sportive. Il ne suffit pas de pratiquer beaucoup, de s’exercer longtemps si, au moment d’agir, cette vertu spéciale, cet atout magique, vient à manquer — la concentration. Qu’est-ce donc ?
Par un côté, cela ressemble à de la distraction. Se concentrer sur ce que l’on est en train de faire, c’est ne pas prêter attention à l’agitation du public, aux bruits de la maison, aux incidents ; c’est faire une chose et se rendre comme aveugle et sourd au reste du monde. D’un autre côté, c’en est l’antithèse, puisque le distrait est justement celui qui ne parvient pas à rester concentré. Toute inattention ne se nomme pas concentration.
La distraction a quelque chose d’involontaire. Une tache, un faux pli, un bouton qui manque à la chemise de mon interlocuteur me distrairont un instant de ce qu’il disait. Ces moments d’inattention sont le signe que notre attention nous échappe. C’est une force au contraire, et une liberté, de pouvoir se détourner immédiatement de ce qui nous sollicite mal à propos.
Ainsi, la concentration n’est pas une absence d’attention, mais plutôt une attention dirigée en sens inverse : attention non pas nulle, mais négative. C’est cet effort d’attention qui, à la fois égal et opposé à toutes les sources de distraction, annule leurs effets. Au fond, c’est la capacité à faire abstraction de ce que nous n’avons pas choisi de regarder.
Libre conscience de nos représentations, comme disait Kant, ou attention volontaire soutenue sans doute par un jugement implicite sur ce qui importe, cette capacité a en tout cas les traits de la puissance. De là, médailles et honneurs.