De son « unique grand amour » disparu en 1986, Karl Lagerfeld confie des décennies plus tard avoir « infiniment aimé ce garçon mais il n’y avait aucun contact physique entre nous ». Une complicité sentimentale et amicale les unira dix-huit ans, jusqu’à ce que la mort les sépare. « Pour cet amant, le plus séduisant et prisé de Paris, comment lui interdire de désirer, de toucher l’homme qu’il a organiquement dans la peau » s’interroge la metteure en scène Guila Braoudé. Frustré, délaissé, il se consume à l’extrême dans l’alcool, la cocaïne, les amours toxiques.
« Il hypnotise le monde de la mode »
Au Théâtre de la Contrescarpe, le public est invité à (re) découvrir le dandy noir sous des angles inédits mis en scène par Guila Braoudé à couper le souffle. Elle le met à nu, délivre son histoire, la vraie histoire hors norme, hors clichés, vécue avec Karl Lagerfeld. Blotti contre lui, en bas résille au Palace, stone sur un dance floor, elle reconstitue avec force des scènes désaxées de sa brève existence. Pour la metteure en scène « il est magnétique, son corps est libre, il est sexuellement sans freins, son audace décoiffe, il hypnotise le monde de la mode ».
En immersion dans le quotidien trash du bad boy, le spectateur est télétransporté avec un rétro réalisme saisissant. De New York à Paris, dans les coulisses d’un défilé de mode de Saint Laurent, au Flore… Elle nous emporte. Sa mise en scène épouse à la perfection la multiplicité des lieux. Où circulent, le vide et le plein d’intro et rétrospection bouleversants.
Aucune morale …
« A vous écouter je suis responsable de tous les maux de la terre, je tue, je rends dépressif, je vends mon cul. Qui êtes-vous pour me juger ? ». Jette désabusé, l’accusé Jacques de Bascher à l’auditoire. Avocat de sa propre défense, il s’adresse aux censeurs, aux moralisateurs d’hier et d’aujourd’hui. « Certains diront que je n’ai aucune morale, c’est faux, j’ai la mienne, elle n’est juste par partagée par tout le monde ».
En vain, la sentence tombe. Il est condamné au discrédit, au déshonneur. « Son époque, c’est le droit à la liberté sans limite... elle nous fait rêver cette liberté des années 80 mais elle est brutalement anéantie par le Sida » se désole Guila Braoudé.
« Il s’est brulé les ailes »
Diagnostiqué positif au HIV, l’hédoniste âgé de 36 ans est épouvanté par le spectre de la mort. Terrifié qu’on l’oublie. Il se confesse à Karl Lagerfeld sur un magnétophone, « pour laisser une trace de son amour pour lui et un avis sur le monde contre lequel il s’est brûlé les ailes » explique Guila Braoudé. Ses souvenirs et ses états d’âme enregistrés, résonnent en émotion dans la salle. Même Karl ne pourra sauver son « Jacko ». Autour de lui, ses amis commencent à tomber les uns, après les autres.
« Moi que vais- je laisser ? » se lamente de Bascher. « J’ai essayé de peindre, d’écrire de faire des photos, de dessiner. Rien. C’est ça qui me tue le plus ». Pourtant, ses libertés, ses excentricités … survivront aux censures de Pierre Bergé, aux caricatures propagées depuis sa disparition, aux dénigreurs. Elles ont, contre toute attente contribué à bâtir sa légende.
Jacques de Bascher
Seul en scène éligible aux Molières 2023, Biopic, LGBTQIA+
De et avec Gabriel Marc
Mise en scène de Guila Braoudé
Au théâtre de la Contrescarpe
5, rue Blainville 75005 Paris
Du 15 juillet 2022 au 27 mars 2023
Durée : 1h15
Réservation en ligne par téléphone au 01 42 01 81 88
Métro : Place Monge (Ligne 7), Cardinal Lemoine (Ligne 10) RER B, Luxembourg
Bus : Monge 47, Cardinal Lemoine 47, 89 et Panthéon 84
Parking : Soufflot-Panthéon
Journaliste - Chroniqueuse Formée à l'ESJ Paris - INA - EMI - Formation Club France... En savoir plus sur cet auteur Dernier week-end des vacances. C’est la rentrée et nous nous l’affrontons tous en traînant nos galoches, ne sachant pas trop de quoi elle sera faite. Il y a un an, nous avions encore l’espoir que les problèmes et autres difficultés liés au Covid-19...