Dans un effort de valorisation de sa mutation technologique et des multiples initiatives qu'elle déploie dans cette perspective, à une période charnière pour l'avenir du secteur, Lloyds Banking Group nous propose une intéressante exploration de ce que représente véritablement la transformation « digitale » pour une institution financière.
La réflexion émanant d'un département (CTO) proche de l'informatique, la définition prise comme point de départ est d'emblée un peu étroite, puisqu'elle considère uniquement l'adoption des technologies modernes dans les organisations, englobant des grandes thématiques telles que l'infonuagique, DevOps, l'automatisation des tests… En l'espèce, on ne peut que regretter l'absence de prise de recul sur les motivations profondes de la transition envisagée, dont, notamment, la réponse aux nouvelles attentes des clients.
En revanche, la démarche engagée pour diffuser la culture requise parmi les équipes d'ingénierie s'appuie sur une logique implacable. Elle s'appuie ainsi sur un vaste programme pédagogique dont les trois piliers sont la collaboration, l'expérimentation et l'apprentissage continu. Les diverses actions de Lloyds s'inscrivent toutes dans ce cadre : échanges et partages de connaissance, y compris publics, hackathons (mixés d'ateliers de découverte pour les non participants), présentations (vidéo) hebdomadaires…
Mais attardons-nous plutôt sur ces trois axes majeurs, qui constituent effectivement, à mon avis, la clé de la (nécessaire) révolution du secteur financier, et probablement à un niveau que l'établissement qui les met en avant n'appréhende pas dans sa globalité.
La collaboration, d'abord, est un des défis les plus prodigieux à relever, d'autant qu'elle s'inscrit dans plusieurs dimensions complémentaires. La cible la plus évidente est celle qui permet aux équipes de mieux développer les projets, en intégrant des représentants de toutes les parties prenantes au lieu d'exploiter des mécanismes de communication asynchrones et déformants. Mais il faut également penser aux interactions entre les silos étanches créés par les différentes lignes métier et aux coopérations avec les écosystèmes externes, en rompant avec la tradition du « tout fait maison ».
L'expérimentation, ensuite, reste le domaine des frustrations. Si Lloyds évoque l'importance de disposer d'environnements dédiés (bacs à sable), où quiconque (?) pourrait tester une technologie émergente, une idée originale… sans impacts sur les opérations (et les clients) de la banque, il faut aussi donner les moyens aux collaborateurs de « perdre » une partie de leur temps dans ces aventures et, surtout, instaurer une approche industrielle qui promeuve l'ambition de déboucher sur des produits viables (alors que, par exemple, les hackathons semblent fréquemment n'être qu'une fin en soi).
L'apprentissage, enfin, ne peut se contenter, d'une part, de cursus conventionnels (même sous forme de modules en ligne) ni, d'autre part, d'un catalogue prédéfini et rigide. L'entreprise ne progressera vraiment que si ses employés ont accès non seulement à un socle commun qui place tout le monde sur la même longueur d'onde, mais également à des sujets immatures, pas encore identifiés par les responsables de formation et néanmoins susceptibles de devenir critiques à moyen terme. Et, bien entendu, son articulation avec l'expérimentation est essentielle, pour une efficacité optimale.
À partir de ces quelques principes simples, les grands groupes financiers devraient être en mesure d'élaborer une feuille de route pour la mise en place d'une culture « digitale », préalable indispensable à toute tentative sérieuse de transformation à grande échelle.