En septembre 2019, Deutsche Bank ouvrait à Shanghai les portes de son Blue Water Fintech Space (depuis devenu Lab), lui assignant la noble mission d'identifier et de combler les besoins non satisfaits de ses clients (grandes entreprises) en Chine. Trois ans et quelques mois plus tard, son premier produit fini est (enfin !) commercialisé.
Présentée, avec un peu d'optimisme, comme un robot d'automatisation de processus (RPA), la solution en question semble essentiellement se contenter de prendre en charge de manière autonome les réconciliations d'opérations bancaires enregistrées dans différents établissements. Totalement personnalisable, selon les besoins de chacun, prête à connecter (par API) aux principaux progiciels du marché, saupoudrée d'une inévitable dose d'intelligence artificielle, elle n'est toutefois guère impressionnante.
Bien sûr, ses utilisateurs, dont les pionniers ont eu l'occasion de l'expérimenter dès 2020, profiteront certainement de ses avantages, classiques pour sa catégorie, entre suppression de tâches manuelles à faible valeur ajoutée (à hauteur de 60 à 80 heures par mois paraît-il) et accélération des traitements, en passant par la réduction des taux d'erreurs. Mais je m'interroge sur sa pertinence face à des plates-formes généralistes, souvent déjà présentes dans les entreprises, et capables de prouesses similaires.
C'est que le délai écoulé entre l'idée initiale et l'industrialisation, qui, incidemment, fournit un indice sur les investissements consentis, n'est pas entièrement raisonnable, surtout au vu du résultat obtenu, somme toute modeste. Le choix de développer un outil purement technique, bien que décliné dans un contexte financier, constitue une autre source potentielle de controverse, car l'expertise de l'institution ne lui permet pas d'y exprimer une différenciation significative en comparaison des éditeurs spécialisés.
En résumé, la démarche, certes légèrement présomptueuse, consistant pour Deutsche Bank à considérer que sa propre « digitalisation » lui a procuré des compétences susceptibles d'être mises au service de ses clients moins avancés en la matière représente une promesse incontestablement attractive. Cependant, à mon avis, son application à un domaine trop éloigné de son cœur de métier en limite singulièrement la portée effective et ne lui permet pas d'exploiter au mieux ses capacités.
Par ailleurs, la structure d'innovation donne l'impression d'avoir importé et embrassé les lenteurs et les lourdeurs traditionnelles de sa parente (notamment quand il ressort que la solution a subi près de trois ans d'incubation et de tests avant son déploiement final), ce qui constitue un défaut rédhibitoire dans sa discipline. Dans ces conditions, il est difficile de percevoir les mérites de son existence et de ses travaux, en particulier pour les clients ayant probablement d'innombrables autres frustrations en attente de réponses.