Nelle, dix-neuf ans, entre dans une nouvelle université. D'après ses parents, c'est le mieux pour elle. Il faut dire que Nelle a une petite particularité. Elle voit les esprits. Et ils ne sont ni très rassurants, ni très cordiaux, ce qui rend les choses très difficiles pour elle. Elle ne tarde pas à comprendre la particularité: elle se trouve désormais dans une école de sorcellerie, où ses camarades de classes et professeurs sont des vampires, sorciers ou loups-garous. Le temps d'adaptation passé, elle s'applique à mieux comprendre qui elle est, et surtout, pourquoi elle semble si intéressante au milieu de toutes ces créatures pourtant déjà hors du commun.
C'est l'autrice qui m'a proposé de découvrir ce roman et je l'en remercie beaucoup, car sur le papier, il a tout pour me plaire. Un univers fantastique peuplé de personnages qui apprennent à apprivoiser leurs différences, leurs particularités, dans le monde protégé qu'est leur campus, mais qui sont en danger dès qu'ils mettent le pied dehors: c'est un schéma assez classique et déjà largement exploité, mais ça a déjà souvent fonctionné. Et ça fonctionne. On découvre petit à petit cet univers au même rythme que l'héroïne, avec les mêmes interrogations. Le contraste entre la gravité surnaturelle et la légèreté du monde étudiant est un thème qui m'a beaucoup plu aussi. De plus, le thème a de la ressource et permet de développer des sujets graves, tels que l'ascendant psychologique des aînés ou le viol, mais aussi de susciter des pirouettes narratives très réussies: quand on voit des esprits, on n'est jamais débarrassé de ses ennemis puisque même morts, ils sont toujours là! Je reste cependant un peu sur ma faim quant à ce thème: les pouvoirs de Nelle passent un peu trop rapidement de découverte à surpuissance, et mériteraient un peu plus de nuances et de subtilité dans la manière dont ils sont traités.
Le livre promet aussi de la romance. Là, pour le coup, on est servi: Nelle est un vrai coeur d'artichaut qui change d'amoureux trois ou quatre fois au cours du roman. Mais pour ma part, j'ai été profondément dérangée par la mise en oeuvre de ces histoires d'amour. La première commence par une rencontre très agressive que pourtant l'héroïne trouve très excitante. Ensuite, elle tombe successivement amoureuse de son professeur, puis de son kidnappeur. Outre les clichés que cela véhicule sur le genre de la romance, toutes ces relations m'ont paru très malsaines car toujours dans une situation où la fille (qui n'a que 19 ans, rappelons-le) est face à quelqu'un qui a l'ascendant sur elle. Tout ça alors que pendant tout le roman, il y a un personnage sain, respectueux, absolument adorable, qui reste cantonné dans la friendzone. Souvent, j'ai eu bien du mal à comprendre l'héroïne, à suivre ses décisions, et à me faire une idée de son caractère: tantôt timide et tantôt délurée, tantôt victime et tantôt téméraire voire inconsciente, j'ai manqué de points de repères et je n'ai pas réussi à m'attacher à elle.
L'écriture elle aussi est déroutante. Le livre ne comporte aucun chapitre, ça, pourquoi pas. Mais il ne comporte aucun autre point de repère. Il est très difficile de suivre la ligne temporelle du roman, mais aussi de suivre les phrases elles-mêmes qui sont longues et s'enchaînent à grands renforts de virgules sans que mon oeil n'arrive à comprendre si on parle toujours de la même chose ou pas.
L'histoire a donc du potentiel, mais la mise en oeuve m'a semblé mériter un peu plus d'aboutissement. Et pitié, un peu plus d'envergure pour ce pauvre Matthieu!
La note de Mélu:
Un mot sur l'autrice: Samantha Diaz est l'autrice de cette série Nelle qui comporte trois tomes, ainsi que de plusieurs autres ouvrages fantastiques.