"Article unique : Le délai de prescription des infractions pour diffamation ou injure prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est porté à un an lorsque ces infractions ont été commises par l’intermédiaire d’un service de communication en ligne."
Par ces simples mots contenus dans une proposition de loi, il est envisagé de porter de trois mois à un an le délai de prescription des délits de presse, mais uniquement sur internet. Le délai resterait de trois mois pour les médias traditionnels.Diffamation et injures dans la presse sont passibles de poursuites pénales dans un délai de trois mois. Au-delà, l’action n’est plus possible.
Mme Marie-Jo Zimmermann, députée UMP de la Moselle, a déposé une proposition de loi pour imposer un régime dérogatoire à internet.Il s’agit ni plus ni moins que de quadrupler le délai de prescription pendant lequel ces actes sont attaquables en justice !
Mme Zimmermann est une députée honorable qui fait des propositions de lois raisonnables, concrètes, utiles et sensées. Mais ici, on peut s’interroger sur une telle différence de traitement qu’elle veut instaurer entre la presse et internet, internet qui serait soumis à un régime pénal plus dur.
Les arguments que met en avant la députée consistent à dire qu’internet "modifie en profondeur les méthodes de communication et leur portée. Nous constatons régulièrement que des pratiques abusives mal encadrées par la législation peuvent être à l’origine de dommages sérieux pour des concitoyens." En réalité, c’est peut-être le cas d’un député victime de Wikipedia à l’automne 2007, qui a constitué le déclenchement de cette prise de position. "La communication par internet donne un poids énorme aux propos diffamatoires, peut-on lire dans la proposition soumise par Marie-Jo Zimmermann. Mais cette dispersion de l’information rend extrêmement difficile la découverte de ces propos par les principaux intéressés : les victimes diffamées". Il serait bien étonnant qu’aujourd’hui encore des députés ignorent le web et l’existence de Wikipedia et il serait assez choquant que, pour protéger ces quelques députés ou sénateurs ignorant le fait internet, ou ne se donnant pas la peine de vérifier leur popularité sur Google, on multiplie par quatre un délai pénal !L’affaire a d’abord été portée devant les tribunauxUne première tentative a consisté à modifier le point de départ du délai légal des trois mois. Dans un arrêt du 15 décembre 1995, la Cour d’appel de Paris a jugé que le délai de prescription devait courir à compter de la cessation de la diffusion du message. C’était là une façon d’allonger le délai, mais aussi de faire supporter la charge de la preuve au diffuseur.
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Cependant, la Cour de cassation s’est opposée à cette interprétation et a maintenu la règle en l’état, à savoir que le point de départ du délai de prescription court à la date à laquelle le message incriminé a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau (arrêts des 30 janvier, 16 octobre et 27 novembre 2001). En 2006, elle précisait même que la mise à jour d’un site internet ne pouvait ouvrir à nouveau ce délai de prescription. Pour contrer la jurisprudence de la Cour suprême, la députée propose donc aujourd’hui d’imposer par la loi une solution dérogatoire assez radicale. Une modification législative a déjà aussi été tentéeLors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique, un amendement voté par le Sénat a repris la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris et fixé le point de départ du délai de prescription à la cessation de la mise en ligne du message contesté. Dans sa décision du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel a cependant censuré cette disposition. Le Conseil a considéré que la différence de traitement qu’elle instituait entre presse écrite et communication sur internet était excessive au regard de l’objectif de lutte contre les délits de presse. Et l’on ne saurait lui donner tort là-dessus. Peut-on imaginer un régime poursuivant avec autant de différence les contrevenants du web et les contrevenants de la presse traditionnelle ? Quand le Conseil constitutionnel évoque la disproportion manifeste qui existe entre les objectifs poursuivis et le régime pénal dérogatoire voulu, sa position rappelle celle de la Cnil qui émettait, il y a peu de temps, une sérieuse réserve sur le projet de fichier Edvige. La Cnil déclarait avec force que la poursuite du but recherché par ce fichier ne justifiait en aucune façon les atteintes aux libertés individuelles contenues dans le projet. L’avis de la Cnil avait été purement et simplement ignoré par le gouvernement. Mais le Conseil constitutionnel est une plus haute instance que la Cnil. On espère qu’il se fera mieux entendre...Aujourd’hui, Mme Zimmermann pense avoir bon espoir de voir aboutir sa proposition car, selon elle, le Conseil constitutionnel a ouvert une faille en n’écartant pas toute possibilité d’aménagement du délai de prescription pour les supports électroniques. D’où ce deuxième essai qu’elle espère transformer. La proposition de loi vise à maintenir le point de départ du délai de prescription à la date de la première mise en ligne, mais d’allonger sa durée de trois mois à un an.En attendant de savoir ce qu’il adviendra de cette proposition de loi, voici que l’on peut lire sur Wikipedia après avoir tapé "Zimmermann" dans le moteur interne du site :"Marie-Jo Zimmermann, femme politique française, née le 29 avril 1951 à Creutzwald (Moselle). Elle est élue députée le 16 juin 2002, pour la XIIe législature (2002-2007), dans la 3e circonscription de la Moselle. Elle fait partie du groupe UMP. Elle est présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Elle fut aussi candidate UMP aux élections municipales à Metz en mars 2008. Après avoir obtenu 16,5 % des voix au premier tour, contre 24,2 % pour le maire sortant, Jean-Marie Rausch, et 34 % pour le candidat PS Dominique Gros, elle fait une alliance avec la candidate MoDem Nathalie Griesbeck qui avait remporté 14,7 % des votes et le candidat indépendant Emmanuel Lebeau, qui avait obtenu 5,6 % des votes. Au deuxième tour, Marie-Jo Zimmermann est battue. Elle remporte 23,8 % des voix contre 28,2 % pour Jean-Marie Rausch et 48 % pour Dominique Gros qui est élu maire. Depuis l’institution du suffrage universel en 1848, Metz avait toujours eu un maire de droite jusqu’à cette élection."Rien d’injurieux ni de diffamatoire là-dedans, en tout cas nous l’espérons pour l’encyclopédie en ligne...