Cette oeuvre d’Arnold Böcklin est connue et a déjà donné lieu à de multiples interprétations. Si Jean Pichard y ajoute son point-de-vue, c’est certainement parce qu’il y a trouvé quelque chose que les autres commentateurs n’ont pas vu. Et ce quelque chose est inscrit dans l’histoire, celle de l’Europe (Suisse, Allemagne, Angleterre, France, Italie) et aussi de l’Afrique. C’est l’histoire de deux siècles, deux siècles de guerres, deux siècles de manipulations internationales, deux siècles traversés par des maladies mortelles, des découvertes aussi, deux siècles d’art, où apparaît la photographie… En suivant la vie d’un peintre né en octobre 1827 et mort en janvier 1901 et celle d’un photographe né en 1871 et mort en 1957, tous deux ayant franchi, donc, des fins de siècles, il explore l’attrait qu’exercent sur l’un et l’autre la mer et surtout une île, en partie imaginaire pour le premier et enjeu des pouvoirs et des conflits pour le second. De la première, Arnold Böcklin réalisera cinq versions (sur toile, bois, cuivre). De la seconde, Franz Schensky fera plusieurs clichés dont peu ont échappé aux destructions de Heligoland où il avait choisi de vivre. Et même si cette époque a connu des temps de liesse populaire, elle est surtout marquée par la mort, la pauvreté du plus grand nombre et les guerres. Ce dont les tableaux et les photos, qu’on a voulu ranger dans les oeuvres symboliques, témoignent à leur façon.
C'est peut-être en pensant à ce tableau, L'île des morts, que Laurent Gaudé a écrit son roman, Salina.