(crédit photo : Reuters)
Le répit n’aura pas duré longtemps. L’attentat de Tripoli, qui a coûté la vie, mercredi, à au moins 14 personnes dont 9 soldats est venue mettre un terme au parfum de retour à la paix qui flottait au Liban depuis quelques semaines.
Les terroristes ont frappé fort. Leur attaque a coïncidé avec la visite historique de Michel Sleimane à Damas, - la première visite d’un président libanais depuis le retrait des troupes syriennes du pays du Cèdre, en 2005 - et au lendemain du vote de confiance parlementaire en faveur du nouveau gouvernement libanais.
« Ce n’est pas un hasard», analyse le professeur Ahmad Moussalli, qui étudie depuis des années la montée des groupuscules terroristes d’obédience salafiste, issus d’une branche extrêmiste du sunnisme, au Liban. « Ces gens-là ont tout intérêt à fragiliser le processus de normalisation politique et à saper les efforts de rapprochement entre le Liban et la Syrie, afin d’assurer leur survie », explique-t-il, en privilégiant cette piste.
L’attentat, qui n’a pas été revendiqué, suscite en effet de nombreuses interrogations. Il ne semble pas, à priori, avoir un lien avec les affrontements sectaires entre la communauté sunnite et la communauté allaouite, une branche du chiisme, dont Tripoli, située au Nord du pays, a été le théâtre au cours de ces dernières semaines.
Le mode opératoire utilisé par les commanditaires de l’attaque est également différent de la série d’attentats qu’a connu le Liban depuis 2005. Jusqu’ici, les cibles étaient visées individuellement. Mais avant-hier, l’explosion semble avoir visé délibérément plus large. Elle s’est, en effet, produite au niveau d’un bus transportant à la fois des militaires et des civils, sur une des rues principales de Tripoli, en pleine heure de pointe.
Les Libanais ne se souviennent, en fait, que d’une attaque du même genre, qui avait causé la mort de trois personnes. C’était en février 2007. Un bus avait été visé sur la route de Ain Alak, au Nord du pays. A l’époque, cet attentat avait été attribué à un groupe salafiste.
Dans ce Liban multiconfessionnel en proie à des luttes de cloché, les islamistes sunnites ont, d’après le professeur Moussali, profité du vide politique de ces dernières années, qui a suivi l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri et le départ des soldats de l’ancienne puissance de tutelle, pour s’infiltrer au pays du Cèdre, et plus particulièrement dans les camps de réfugiés palestiniens.
Saad Hariri, le fils, aurait même, selon Moussali, « soutenu délibérément, à un moment donné, certains groupes sunnites, avec l’aide de l’Arabie saoudite, pour contre balancer le Hezbollah chiite ». Mais il en aurait vite perdu le contrôle. Pour des raisons financières, disent certains observateurs, en évoquant une suspension des aides apportées à certains de ces groupes. Pour des raisons techniques, suggèrent d’autres spécialistes de la question, en rappelant qu’à l’inverse du Parti de Dieu chiite dont les membres répondent à une chaîne de commandement ultra disciplinée, les différents groupuscules sunnites agissent de manière autonome et souvent désorganisée.
Les affrontements sanglants qui opposèrent, il y a tout juste un an, l’organisation Fatah al Islam, présentée comme partisane d’Al Qaeda, à l’armée libanaise, dans le camps de Nahr el Bared, à l’entré de Tripoli, furent la première révélation, au grand jour, de cette bombe à retardement qui menace aujourd’hui le pays du Cèdre.
Depuis, l’ambiance est restée volatile dans cette ville du Nord du Liban. Il y a une dizaine de jours, des centaines de proches de membres présumés du Fatah al Islam sont même sortis dans les rues de Tripoli en demandant la libération des 300 suspects toujours détenus par les forces de sécurité libanaises, et en scandant « Sunnites, sunnites, Allah protège les salafistes ».
Ahmad Moussali n’est pas optimiste. « Je m’attends à d’autres attentats du même genre », dit-il.