L’Homme blessé (The Wounded Man) (1983) est largement considéré comme l’une des représentations les plus intenses et les plus obsédantes du cinéma d’une obsession romantique homosexuelle destructrice. Il est rarement projeté. Peut-être que le grand public préfère voir les homosexuels se glisser dans les conventions guindées de la comédie romantique, comme dans le film Frères (2022) ? Est-ce vraiment un progrès ? Anthology Film Archives va à contre-courant de la tendance et de la projection L’Homme blessé jusqu’au 12 janvier. Ne perdez pas une occasion rare de voir ce chef-d’œuvre sombrement captivant, bien que difficile, du film français queer.
Le film s’ouvre dans une maison banale dans une ville française sans nom. Le protagoniste adolescent, Henri, joué par Jean Hugues Anglade, s’ennuie avec sa famille émotionnellement fermée qui a du mal à converser pendant le dîner. L’étincelle dans ses yeux trahit un désir incessant d’aventure.
Une tournure inattendue des événements se produit lorsque la famille se rend à la gare pour envoyer la sœur d’Henri à l’université. Henri sent la dynamique de croisière gay de la station mais ne comprend pas pourquoi il est attiré par ces hommes. Ce qui se passe ensuite n’est pas l’orgie de salle de bain prévisible que certains téléspectateurs pourraient reconnaître dans le porno gay vintage – bien que l’écriture intelligente de Patrice Chéreau et Hervé Guibert joue avec ce trope et puisse nous faire croire que c’est là que ça se dirige. Ce qui se passe est plutôt un départ dramatique qui demande aux téléspectateurs d’entrer dans un espace psychologique plus complexe que celui de la formule « garçon rencontre garçon ». Pourquoi plusieurs homosexuels fuient-ils les toilettes ? Qu’est-ce qui a interrompu la croisière là-bas ?
Henri tombe sur un beau jeune homme en train de battre un homme plus âgé dans l’une des stalles. Jean (Vittorio Mezzogiorno) est un voyou robuste et sexy. L’aîné, Bosmans (Roland Bertin), profite de l’attaque de Jean. S’agit-il d’une véritable agression ou d’un jeu érotique simulé ? Le naïf Henri est irrésistiblement attiré vers le maniaque Jean. Après s’être approchés et malmenés un peu dans la salle de bain, Jean et Henri s’embrassent soudain. Jean encourage alors Henri à l’aider à battre Bosmans et à prendre son argent. Henri obéit docilement, avide de l’approbation de Jean.
Henri devient un papillon de nuit attiré par la flamme, poussé par une obsession du sadique Jean qu’il ne comprend pas. Il quitte la sécurité de sa maison et prend la vie d’un arnaqueur gay qui vole ses tours. C’est une vie qu’il n’apprécie pas, mais il s’acharne à impressionner Jean à tout prix. Jean, pour sa part, semble apprécier la fascination d’Henri, le mettant au défi d’accomplir des tâches criminelles, le tentant avec affection mais refusant de consommer leur “mauvaise romance”. Jean est loin d’être un citoyen modèle. Il vit avec une petite amie qu’il néglige. Elle s’amuse de la présence passagère d’Henri, persuadée qu’elle est la seule à pouvoir résister à la cruauté de son petit ami.
Bosmans, un médecin vieillissant et enfermé, agit comme le repoussoir dramatique de Jean tout au long du film. Après avoir assisté au jeu BDSM dans la stalle, Henri poursuit d’abord Bosmans pour en savoir plus sur Jean. Après une partie de cache-cache dans les rues, ils se retrouvent finalement dans un restaurant. Bosmans en veut à sa propre histoire tordue avec Jean et bouillonne de jalousie envers le désir d’Henri pour Jean, mais décide de gagner l’affection du jeune homme. Henri repousse Bosmans, mais ce dernier continue de trouver des moyens de se présenter et d’aider Henri dans sa mission de kamikaze pour impressionner et séduire Jean par le crime.
Alerte spoil: À l’apogée du film, Bosmans conduit Henri dans une étrange chambre souterraine, où un Jean inconscient est allongé nu sur un lit. Alors qu’Henri se déshabille et commence à ravir le corps comateux de Jean, il ne parvient pas à se réveiller. A-t-il fait une overdose ? Est-il mort? Henri s’en soucie-t-il même à ce stade? Les films se terminent ici avec la sombre ambivalence, le vide et l’insatisfaction d’Henri.
Dans un moment poignant mais facilement négligé, le père d’Henri lui dit : “il y a des clubs où les garçons peuvent aller – si tu t’inscrivais, tu rencontrerais d’autres jeunes.” Le commentaire soulève la question de savoir pourquoi Henri est si pris dans cette obsession destructrice de Jean. Pourquoi ne peut-il pas aller au club, rencontrer un garçon et endurer un premier rendez-vous gênant ?
Quel est le but de toute l’angoisse et de l’auto-défaite dans ce film tragique ?
En tant qu’homosexuels, certains d’entre nous pourraient avoir plus en commun avec Henri que nous ne voudrions l’admettre. Fuyons-nous le travail acharné de sortir avec des hommes, mais nous plaignons-nous ensuite de notre solitude et de notre manque de compagnie ? Est-ce que nous nous connectons compulsivement à des applications de connexion, recherchons des relations sexuelles anonymes ou devenons-nous fascinés par des hommes nocifs et toxiques ? Que l’année soit 2022 ou 1983, un monde souterrain gay s’envenime avec son casting de voleurs séduisants qui peuvent nous attirer de manière destructrice.
Ce film échoue au test de pureté idéologique pour être sexuellement positif. Ce n’est pas une histoire de bien-être. Sa longue histoire de critiques en dents de scie trahit une lutte fondamentale contre la tragédie dans un contexte queer. Le cinéma a produit de nombreux films tragiques sur les obsessions hétéros toxiques. Mais L’Homme blessé est plus intense que les autres films tragiques gays. Est-ce trop? Cette intensité brute et brûlante pourrait bien être sa force en tant que récit édifiant. Si la vie amoureuse d’un homme gay ne reflète pas les douces histoires de “garçon rencontre un garçon” qu’il engloutit avec envie sur Netflix, il pourrait y avoir une dure leçon à digérer.
L’Homme blesséréalisé par Patrice Chéreau, projeté à Anthology Film Archives (32 Second Avenue, East Village, Manhattan) jusqu’au 12 janvier.
L’Homme blessé (The Wounded Man) (1983) est largement considéré comme l’une des représentations les plus intenses et les plus obsédantes du cinéma d’une obsession romantique homosexuelle destructrice. Il est rarement projeté. Peut-être que le grand public préfère voir les homosexuels se glisser dans les conventions guindées de la comédie romantique, comme dans le film Frères (2022) ? Est-ce vraiment un progrès ? Anthology Film Archives va à contre-courant de la tendance et de la projection L’Homme blessé jusqu’au 12 janvier. Ne perdez pas une occasion rare de voir ce chef-d’œuvre sombrement captivant, bien que difficile, du film français queer.
Le film s’ouvre dans une maison banale dans une ville française sans nom. Le protagoniste adolescent, Henri, joué par Jean Hugues Anglade, s’ennuie avec sa famille émotionnellement fermée qui a du mal à converser pendant le dîner. L’étincelle dans ses yeux trahit un désir incessant d’aventure.
Une tournure inattendue des événements se produit lorsque la famille se rend à la gare pour envoyer la sœur d’Henri à l’université. Henri sent la dynamique de croisière gay de la station mais ne comprend pas pourquoi il est attiré par ces hommes. Ce qui se passe ensuite n’est pas l’orgie de salle de bain prévisible que certains téléspectateurs pourraient reconnaître dans le porno gay vintage – bien que l’écriture intelligente de Patrice Chéreau et Hervé Guibert joue avec ce trope et puisse nous faire croire que c’est là que ça se dirige. Ce qui se passe est plutôt un départ dramatique qui demande aux téléspectateurs d’entrer dans un espace psychologique plus complexe que celui de la formule « garçon rencontre garçon ». Pourquoi plusieurs homosexuels fuient-ils les toilettes ? Qu’est-ce qui a interrompu la croisière là-bas ?
Henri tombe sur un beau jeune homme en train de battre un homme plus âgé dans l’une des stalles. Jean (Vittorio Mezzogiorno) est un voyou robuste et sexy. L’aîné, Bosmans (Roland Bertin), profite de l’attaque de Jean. S’agit-il d’une véritable agression ou d’un jeu érotique simulé ? Le naïf Henri est irrésistiblement attiré vers le maniaque Jean. Après s’être approchés et malmenés un peu dans la salle de bain, Jean et Henri s’embrassent soudain. Jean encourage alors Henri à l’aider à battre Bosmans et à prendre son argent. Henri obéit docilement, avide de l’approbation de Jean.
Henri devient un papillon de nuit attiré par la flamme, poussé par une obsession du sadique Jean qu’il ne comprend pas. Il quitte la sécurité de sa maison et prend la vie d’un arnaqueur gay qui vole ses tours. C’est une vie qu’il n’apprécie pas, mais il s’acharne à impressionner Jean à tout prix. Jean, pour sa part, semble apprécier la fascination d’Henri, le mettant au défi d’accomplir des tâches criminelles, le tentant avec affection mais refusant de consommer leur “mauvaise romance”. Jean est loin d’être un citoyen modèle. Il vit avec une petite amie qu’il néglige. Elle s’amuse de la présence passagère d’Henri, persuadée qu’elle est la seule à pouvoir résister à la cruauté de son petit ami.
Bosmans, un médecin vieillissant et enfermé, agit comme le repoussoir dramatique de Jean tout au long du film. Après avoir assisté au jeu BDSM dans la stalle, Henri poursuit d’abord Bosmans pour en savoir plus sur Jean. Après une partie de cache-cache dans les rues, ils se retrouvent finalement dans un restaurant. Bosmans en veut à sa propre histoire tordue avec Jean et bouillonne de jalousie envers le désir d’Henri pour Jean, mais décide de gagner l’affection du jeune homme. Henri repousse Bosmans, mais ce dernier continue de trouver des moyens de se présenter et d’aider Henri dans sa mission de kamikaze pour impressionner et séduire Jean par le crime.
Alerte spoil: À l’apogée du film, Bosmans conduit Henri dans une étrange chambre souterraine, où un Jean inconscient est allongé nu sur un lit. Alors qu’Henri se déshabille et commence à ravir le corps comateux de Jean, il ne parvient pas à se réveiller. A-t-il fait une overdose ? Est-il mort? Henri s’en soucie-t-il même à ce stade? Les films se terminent ici avec la sombre ambivalence, le vide et l’insatisfaction d’Henri.
Dans un moment poignant mais facilement négligé, le père d’Henri lui dit : “il y a des clubs où les garçons peuvent aller – si tu t’inscrivais, tu rencontrerais d’autres jeunes.” Le commentaire soulève la question de savoir pourquoi Henri est si pris dans cette obsession destructrice de Jean. Pourquoi ne peut-il pas aller au club, rencontrer un garçon et endurer un premier rendez-vous gênant ?
Quel est le but de toute l’angoisse et de l’auto-défaite dans ce film tragique ?
En tant qu’homosexuels, certains d’entre nous pourraient avoir plus en commun avec Henri que nous ne voudrions l’admettre. Fuyons-nous le travail acharné de sortir avec des hommes, mais nous plaignons-nous ensuite de notre solitude et de notre manque de compagnie ? Est-ce que nous nous connectons compulsivement à des applications de connexion, recherchons des relations sexuelles anonymes ou devenons-nous fascinés par des hommes nocifs et toxiques ? Que l’année soit 2022 ou 1983, un monde souterrain gay s’envenime avec son casting de voleurs séduisants qui peuvent nous attirer de manière destructrice.
Ce film échoue au test de pureté idéologique pour être sexuellement positif. Ce n’est pas une histoire de bien-être. Sa longue histoire de critiques en dents de scie trahit une lutte fondamentale contre la tragédie dans un contexte queer. Le cinéma a produit de nombreux films tragiques sur les obsessions hétéros toxiques. Mais L’Homme blessé est plus intense que les autres films tragiques gays. Est-ce trop? Cette intensité brute et brûlante pourrait bien être sa force en tant que récit édifiant. Si la vie amoureuse d’un homme gay ne reflète pas les douces histoires de “garçon rencontre un garçon” qu’il engloutit avec envie sur Netflix, il pourrait y avoir une dure leçon à digérer.
L’Homme blesséréalisé par Patrice Chéreau, projeté à Anthology Film Archives (32 Second Avenue, East Village, Manhattan) jusqu’au 12 janvier.
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