Enlettré, que je suis.

Par Gangoueus @lareus

Cette note de Pierre Koné, critique littéraire est le prolongement d'un très bel après midi d'enregistrement de trois émissions littéraires LES LECTURES DE GANGOUEUS au studio de Sud Plateau TV, dans le 20ème arrondissement de Paris. Elle m'a été proposé par Pierre en fin novembre 2022. Je la publie avec beaucoup de retard. Il me pardonnera ce manque de tact. Je le remercie pour cette très belle note. Amitiés. Gangoueus

Samedi après-midi, j’ai retrouvé avec joie Gauz’ en provenance de Metz et avant un retour sur Babi -plus exactement Bassam- dans quelques jours. 


Je ne pouvais me résoudre au seul enregistrement de questions après la lecture de son dernier opus, Les Cocoaïans. Il me fallait le face-à-face. 

Une poignée de minutes auparavant, c’était ma première rencontre avec la jeune bafoussamoise Ernis, lauréate 2022 du Prix Voix d'Afriques, présidé par mon ami AA Waberi. 

Jour sang

Ce long après-midi s’acheva avec Noël Nétonon Djékery (NND). 

Il y a plusieurs mois, j’ai chroniqué, acheté plusieurs exemplaires, animé des rencontres autour et sur Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis. Incidemment, j’ai appris que le tchado-suisse participerait à un 52 mn fin du mois. 

Son livre retrace plusieurs siècles de traite négrière arabo-musulmane, s’arrête en 2017 et est malheureusement toujours d’actualité. N’a-t-on pas vu, il y a encore qq mois la vente à la criée de bétail humain nègre en Libye ? 

La complexe situation de l’Algérie, la Mauritanie, le Soudan où l’adoption-protection séculaire de Noirs au service d’Arabes est devenue anachronique et condamnable aux yeux du village global qui n’a pas la même grille de lecture qu’à Tindouf (DZ), Bogué, Kiffa, Tidjikdja, Ain el-Atrous (Mauritanie). 


Roman luxuriant, volubile, douloureux (parfois) mais toujours lumineux. Porté pendant plus d’un demi-siècle et né au forceps-NND préfère « amical coup de pied au derrière » de Léonora Miano rencontrée lors d’une des éditions de Sur Les quais à Morges (VD)- 

Hier soir, l’homme au couvre-chef bleu assistait à sa remise du Prix Hors-Concours. L’occasion pour lui, comme pour moi, de retrouver des visages amis et …francophonie oblige, de remarquer la native de Louvain Veronika Nabardi. Tout à fait entre nous, je ne serai pas du tout étonné que de nouveaux lauriers lui soient tressés sous peu par la RTS 

Jour sans 

Vendredi soir, j’ai appris la prise de congé du touche-à-tout Hans Magnus Enzensberger (HME). Poète, journaliste, critique culturel, traducteur, théoricien des medias, éditeur… La lecture de ses écrits est toujours stimulante, inspirante. Elle exacerbe ma curiosité. 


Spectateur et acteur du monde, il savait que gaieté/joie/ humour et sérieux sont indissociables. Il avait 93 ans. Ses modèles étaient Denis Diderot et Edward Lear, car pour lui l'illumination, le jeu et le non-sens n'étaient pas opposés. Comment ne pas saluer celui qui a fait de l'incohérence un métier ? 

Me reste de cet esprit libre -figure remarquable de Gruppe 47 - l’éternel jeune homme en colère. 

M’accompagnent Landessprache, Im Irrgarten der Intelligenz. Ein Idiotenführen, Hammerstein ou l’intransigeance

M’aimantent ses mots retenus d’Acrobates chinois 

« Lancer un mot en l’air 

le mot lourd 

est tâche légère 

Tracer à l’encre un signe dans l’air 

le signe impossible 

n’est pas impossible » 

HME estimait que l’écrivain est un intellectuel "travailleur de l'assainissement". Alors à l’aune de ce principe, il n’est pas permis de douter que sont écrivains : 

- Ernis qui refuse le sort réservé aux veuves en sa terre natale, en son village qui est pour elle : vie 

- L’exigeant Gauz’ qui en appelle à l’intelligence des peuples 

- NND qui veut dénicher la parcelle d’humanité dans l’inhumanité.

Un article de Pierre Koné